lundi 30 mai 2011

La qualité de commerçant en droit congolais et en droit issu de l’OHADA

PAR
BIA BUETUSIWA
Avocat au Barreau de Kinshasa/Gombe
Assistant-Chercheur à l’Université de Kinshasa (CRIDHAC)
Diplômé de 2ème cycle en Ethique des Droits de l’homme de l’Université de Nantes
Master (M2) en Droit international et comparé de l’environnement de l’Université de Limoges



INTRODUCTION

A l’occasion d’une réunion avec le comité Afrique du MEDEF (patronat français), le 3 février 2004, le Président de la République démocratique du Congo (RDC) a annoncé la prochaine et certaine adhésion de la RDC à l’Organisation pour l’harmonisation du Droit des affaires en Afrique (OHADA). En date du 11 février 2011, le Président de la République a promulgué la loi autorisant l’adhésion de la RDC à l’OHADA après comme il se doit, adoption dans les deux chambres du Parlement et avis conforme de la Cour Suprême de Justice de la RDC . A présent, il reste au gouvernement de la République de déposer les instruments de ratification au Secrétariat de l’OHADA à Dakar, pour que l’application du Droit issu de l’OHADA devienne effective en RDC. Peut-être qu’au moment où vous lirez cet article, la République démocratique du Congo sera devenu une terre « OHADA ». Dès lors l’intérêt d’une telle étude ne se justifie que pleinement.
Le feu KEBA MBAYE a dit de l’OHADA qu’il « est un outil juridique imaginé et réalisé par l’Afrique pour servir l’intégration économique et la croissance » . En effet, a-t-il poursuivit , convaincus que la méfiance des opérateurs économiques manifestée par le ralentissement des investissements en Afrique avait pour origine « la trop grande variété des règlementations et des solutions des différends applicables au droit des affaires », source d’une véritable « insécurité juridique et judiciaire », plusieurs chefs d’état d’Afrique ont décidé l’instauration d’ « un nouveau droit qui soit moderne et harmonisé, interprété par des magistrats bien préparés en matière de droit des affaires et appliqué en dernière ressort par une juridiction supranationale unique ».
Chargé de concrétiser ce projet, l’Organisation pour l’harmonisation du Droit des affaires, OHADA en sigle a vu le jour le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Ile Maurice) du Traité relatif à l’harmonisation du Droit des affaires en Afrique. Avec pour mission de favoriser au plan économique, le développement et l’intégration régionale ainsi que la sécurité juridique et judiciaire, elle compte à ce jour 16 pays membres d’Afrique de l’Ouest et du Centre, sans compter la RDC en instance d’adhésion. Elle a pour objectifs : de doter les Etats parties d’un même Droit des affaires simple, moderne et adapté à la situation de leurs économies ; de promouvoir l’arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels ; et de concourir à la formation des magistrats et des auxiliaires de justice .
L’OHADA ayant pour vocation de légiférer dans tous les secteurs des affaires et même d’en dépasser le cadre classique , elle élabore les actes uniformes, qui, adoptés par le Conseil des Ministres de l’OHADA constituent des règles communes applicables immédiatement sur le territoire des Etats membres .
Actuellement, huit actes uniformes sont entrés en vigueur. Ils sont relatifs au droit commercial ; au droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique ; au droit des sûretés ; aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; à la procédure collective d’apurement du passif, au droit d’arbitrage ; à la comptabilité des entreprises ; aux contrats de marchandises par route. Le 15 décembre 2010, au moment de la reforme des actes uniformes relatifs au droit commercial général et au droit des sûretés, il a été adopté un acte uniforme relatifs aux sociétés coopératives .
Nombreuses ont été les pressions politiques et du monde des affaires qui ont œuvré à une adhésion rapide de la RDC à l’OHADA. Des scientifiques ont pris le relais et ont clamé que le droit des affaires congolais était obsolète, lacunaire et inadapté à la nature contemporaine des affaires et victimes des humeurs du législateur . Pour les partisans de l’adhésion, ce droit méritait une réformation complète et prendrait un coup de jeune avec l’OHADA. Face à eux, les défenseurs du droit congolais ont soutenu que le droit congolais avait une histoire, un enracinement qui valait le respect. Selon eux, s’il fallait reconnaître les carences du droit congolais, OHADA était une mauvaise réponse à une bonne question. Il mettrait en danger l’indépendance de la RDC, avec ce droit importé, étranger, élaboré uniquement pour les intérêts des investisseurs.
Notre sujet ici n’est pas de trancher cette polémique, qui par ailleurs risque de se trouver dans quelques semaines ou quelques mois, surannée. Cette brève étude n’est ni un panégyrique, un relevé flatteur des avantages à y adhérer, ni des réquisitions à charge contre OHADA. Elle se veut simplement un modeste outil de comparaison entre le droit congolais et le droit issu de l’OHADA dans une matière importante du droit des affaires. En effet, pour un particulier ou une entité soucieuse de faire des affaires, la question de sa commercialité est cruciale car elle détermine plusieurs conséquences juridiques, entre autres fiscales et juridictionnelles.
Pour les juristes congolais et ceux qu’intéressent OHADA, cette comparaison ne peut être que profitable et son importance pratique n’est pas à démontrer. Le droit OHADA sera demain le droit congolais (peut-être ?). Face à ce droit, nouveau dans son principe supranational et révolutionnaire dans certains de ces choix d’avant-garde, le droit congolais gagnerait certainement à s’y mirer et à s’y jauger avant de s’y plonger. Quitte à clamer sur certains points qu’il n’est pas aussi vieilli qu’on le dit.
A. La personne physique commerçante

Le droit congolais [A] et le droit issu de l’OHADA retiennent que le commerçant est celui qui fait profession d’actes commerciaux. Mais le droit issu de l’OHADA qui considère que cette profession doit être habituelle. Il est toutefois sur le point d’abandonner cet adjectif [B].
A. La qualité de commerçant pour une personne physique en droit congolais
Le commerçant est celui qui, sous certaines conditions, accomplit des actes de commerce (1). Ces actes de commerce sont énumérés par la loi (2). Mais encore faut-il avoir la capacité suffisante pour être commerçant (3) et ne pas souffrir d’interdictions ou d’incompatibilités (4).
(1 ) Le Principe
En RDC, c’est toujours le vieux décret du 2 mai 1913 sur les commerçants et la preuve des engagements commerciaux qui régit la qualité de commerçant. L’article premier de ce texte bientôt centenaire (pourvu qu’on lui prête vie) tranche d’emblée la question : « sont commerçants, ceux qui font profession des actes qualifiés de commerciaux par la loi ».
En droit congolais, « ce qui caractérise le commerçant, c’est la profession principale ou accessoire et non l’habitude de faire des actes réputés commerciaux » . La profession se définit comme « l’activité régulière exercée pour gagner sa vie » . Il importe donc que la personne physique, candidate commerçante pose, avec une certaine régularité, des actes de commerce et qu’il en fasse une source de revenus. La régularité ici est prise dans son sens de permanence et non d’habitude. En effet, l’intention du législateur ressort clairement des débats du Conseil colonial lors de l’adoption du texte : « l’habitude en effet, n’est pas suffisante pour acquérir la qualité de commerçant » .
Toutefois, la régularité n’est ni suffisante ni même nécessaire, car « on est commerçant dès l’instant où l’on s’établit comme tel, même avant d’accomplir habituellement des actes de commerce » . La personne physique qui s’établit en louant un local, en y achalandant des marchandises, en y plaçant une enseigne devient commerçante, même sans avoir posé le moindre acte de commerce. C’est également le cas d’un acquéreur d’un fonds de commerce qui devient commerçant dès l’ouverture de son magasin . Dans ce sens, il a été jugé qu’ « il suffit qu’une personne se montre prête à exercer le commerce pour que la qualité de commerçant lui soit immédiatement acquise » .
Pourtant, les mots « profession habituelle » terminait –et termine toujours- l’article premier du code de commerce belge qui a inspiré les rédacteurs de la loi congolaise. Ceux-ci ont vu la suppression du mot « habituelle », comme un progrès, une avancée du droit colonial (d’alors) sur le droit métropolitain (d’alors). Pour les raisons évoquées ci-haut, ils ont estimé que « le mot habituelle est donc inutile dans la définition » . Mais ce choix comporte une autre justification, « une raison d’harmonie entre la situation des individus et celle des sociétés. Une société est commerciale dès l’instant de sa constitution, avant de poser le moindre acte de commerce. Il en est de même des individus » .
Mais il n’est ni suffisant ni même nécessaire, d’accomplir des actes de commerce à titre de profession, pour être reconnu commerçant. En effet, la qualité commerciale de la société s’étend aux associés à responsabilité illimitée, sans qu’il ne soit besoin pour eux d’accomplir le moindre acte de commerce. Il s’agit des commandités dans une société à commandite simple et des associés d’une société à nom collectif.
(2 ) Pour être commerçant, il faut donc exercer à titre professionnelle des actes dits commerciaux par la loi. Mais encore, quels sont les actes que la loi dit commerciaux ?
L’article 2 de la loi précitée énumère lesdits actes et fait naître en droit congolais une querelle doctrinale entre ceux qui soutiennent qu’une telle énumération est limitative et les autres qui pensent le contraire.
Une partie de la doctrine a soutenu que « l’énumération avancée ne doit pas être considérée comme exhaustive, ce qui signifie que les tribunaux pourront qualifier d’actes de commerce, des actes ne figurant pas dans la liste des actes réputés commerciaux par la loi, telle qu’elle résulte de l’article 2 du décret du 2 août 1913» .
Le professeur LUKOMBE NGHENDA, par contre, avance que cette énumération légale est limitative. Selon lui, cette considération vient de ce que l’énumération congolaise ayant « été prise telle quelle de la législation métropolitaine belge » , il convient de tenir pour « constantes en droit congolais, les querelles jurisprudentielles et doctrinales menées en Belgique ou en France » sur ce sujet et la solution qui s’en est dégagé.
En Belgique, entre ceux qui expliquaient « qu’il était dangereux de vouloir enfermer l’infinie diversité des opérations commerciales dans le cadre d’une nomenclature trop rigide » et les autres, pour qui « il était dangereux, notamment au point de vue compétence, de ne pas spécifier nettement quels sont les actes de commerce ; que les tribunaux civils doivent rester juges de tous les actes des citoyens, à moins qu’une exception ne soit formellement exprimée dans la loi ; un autre régime risquerait de provoquer des contradictions dans la jurisprudence ; d’ailleurs (…) si l’énumération apparaissait incomplète dans l’avenir, il serait toujours possible d’y ajouter d’autres actes », c’est la seconde tendance qui l’emporta : « désormais, il n’y aura d’actes commerciaux que ceux qualifiés par la loi » .
Cette position est également la nôtre. En effet, l’analyse de l’article premier qui dispose que la commercialité dépend des actes qualifiés de commerciaux par la loi, laisse à penser outre l’argument ci-haut, qu’il était du vœu du législateur de se réserver la qualification commerciale des actes.
Si ce caractère limitatif exclut l’interprétation analogique, la doctrine est d’avis tout de même que cette interprétation doit être large .
(3 ) La capacité de la personne pouvant exercer le commerce
Seules les personnes jouissant d’une pleine capacité civile ont le droit d’exercer le commerce. Ce qui exclut les mineurs, les majeurs aliénés interdits, et les majeurs faibles d’esprit, prodigues, affaiblis par l’âge ou infirmes placés sous curatelle.
Le décret précité de 1913 érige une exception en faveur des mineurs émancipés, en son article 13, en disposant que « Tout mineur émancipé de l’un ou de l’autre sexe peut faire le commerce et est réputé majeur quant aux engagements contractés par lui pour faits de commerce, à la condition qu’il y ait été préalablement autorisé par la personne qui exerçait sur lui l’autorité paternelle ou tutélaire ». Il s’en est déduit longtemps que le mineur émancipé, dûment autorisé par ses père et mère ou son tuteur exerce valablement le commerce.
Mais ces dispositions doivent être mises en rapport avec celles des articles 292 et 293 du code de la famille, « art. 292 : … toutefois, lorsque l’émancipation est accordée par une décision judiciaire, le tribunal peut apporter certaines limitations à la capacité. Art. 293. — Le mineur émancipé par décision judiciaire ne peut passer les actes pour lesquels il est reconnu incapable qu’avec l’assistance d’un curateur ». Il s’ensuit que si les limitations du juge qui a accordé l’émancipation ne permettent pas au mineur d’exercer le commerce, il ne peut l’exercer. Toutefois, nous pensons qu’une fois qu’il a été autorisé par la personne qui exerce l’autorité parentale ou tutélaire à exercer le commerce, le mineur n’a pas besoin pour chaque acte qu’il pose, d’une nouvelle autorisation ni d’une assistance quelconque du curateur. En effet, cette interprétation est conforme à la nature des affaires et justifiée par le fait que le curateur autorise le mineur émancipé au moment de l’entreprise de l’activité commerciale, et qu’il existe ainsi, une présomption d’autorisation des actes qu’il posera dans le cadre de cette activité professionnelle.
Le mariage d’enfants étant interdit , les dispositions de l’article 288 du code de la famille sur l’émancipation légale sont désormais caduques.
La femme mariée a, encore à ce jour, en droit congolais, une capacité limitée. En effet, selon l’article 448 du code de la famille, « la femme doit obtenir l’autorisation de son mari pour tous les actes juridiques dans lesquels elle s’oblige à une prestation qu’elle doit effectuer en personne ».
Il est donc nécessaire, suivant article 4 du décret du 2 août 1913, pour la femme mariée congolaise désirant exercer le commerce d’obtenir l’autorisation préalable de son mari. Toutefois cette autorisation maritale n’est soumise à aucune formalité ni publicité. Par contre, son retrait doit résulter d’une déclaration faite devant un magistrat ou un notaire . En cas d’absence, de démence ou d’interdiction du mari, le tribunal est habilité à autoriser à la femme mariée l’exercice du commerce. Le tribunal peut également accorder cette autorisation en cas de refus injustifié du mari.
L’illustration du caractère suranné de ces obstacles au plein exercice par la femme de sa capacité résidait dans la lecture de l’alinéa 3 de cet article 4 précité : « en cas de minorité du mari, celui-ci ne peut autoriser sa femme à faire le commerce qu’après avoir été autorisé lui-même ». En fait, dans ce cas, la femme mariée, qui pouvait être majeur, était autorisée à exercer le commerce par les parents ou le tuteur de son mari ! Heureusement que l’interdiction du mariage des mineurs va rendre cette disposition désuète.
Le mineur non émancipé ne pouvant être commerçant, il ne peut non plus être associé dans une société qui lui confère une responsabilité illimitée.
(4 ) Le régime d’incompatibilités et autres interdictions
Pour se voir reconnaître la qualité de commerçant, encore faut-il ne souffrir d’aucunes interdictions liées à l’exercice du commerce.
En effet, aux titulaires de certaines fonctions est interdit le cumul de leurs fonctions et l’exercice du commerce . Il s’agit des avocats (article 58 de l’Ordonnance-Loi n°79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’État) ; des magistrats ( article 66 de la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats) ; des fonctionnaires (article 53 de la Loi n°81-003 du 17 juillet 1981 portant statut du personnel de carrière des services publics de l’État).
De même, certaines personnes peuvent se voir déchues du droit d’exercer le commerce, il s’agit entre autres des celles ayant fait l’objet, les cinq dernières années, de condamnations pénales de plus de trois mois prononcées à leur encontre à la suite notamment « d’infractions d’argent » ou de celles portant atteinte à la foi publique . Les personnes déclarées en faillite et non encore réhabilitées sont également déchues du droit d’exercer le commerce. Ces interdictions sont déduites de l’article 17 du décret du 6 mars 1951 sur l’institution du Registre du commerce qui interdit l’immatriculation de ces personnes. Toutefois, les mêmes dispositions prévoient que ces dernières peuvent obtenir l’autorisation du tribunal pour pouvoir se faire immatriculer, donc exercer à nouveau le commerce.
Les personnes interdites d’exercer le commerce ne peuvent pas non plus être associées à responsabilité limitée, car cette situation leur confèrerait la qualité de commerçant.
Notons que selon l’article 4 du décret précité, les tiers peuvent se prévaloir de la qualité de commerçant de toute personne non immatriculée faisant profession d’actes qualifiés commerciaux par la loi.
B. La qualité de commerçant pour une personne physique en droit OHADA
Au moment de la rédaction du présent article, vient d’être adopté, puis publié, un nouvel Acte uniforme sur le droit commercial général, adopté le 15 décembre 2010 et publié le 15 février 2011 au Journal Officiel de l’OHADA, et qui entrera en vigueur le 16 mai 2011. Il est probable qu’au moment de la publication de l’article, ce nouvel acte sera entré en vigueur ou proche de l’être. Pour les besoins d’analyse, nous présenterons l’état actuel du droit OHADA et les innovations apportées par le nouvel Acte uniforme.
L’Acte uniforme du 17 avril 1997 , retient la profession habituelle des actes de commerce comme critère de détermination de la qualité de commerçant tandis que le nouvel acte du 15 décembre 2010 prend en compte les critiques, en enlevant l’adjectif « habituel » (1). L’énumération des actes de commerce dans les deux actes, plus modernes que celle du droit congolais, n’est pas exhaustive. (2). Ils laissent la capacité d’exercer le commerce, réglée par les droits internes non communautaires (3) mais semblent plus stricts que le droit congolais en matière d’interdictions et d’incompatibilités (4).
(1 ) Le principe
L’Acte uniforme relatif au droit commercial général du 17 avril 1997 « n’innove pas dans la définition qu’il donne du commerçant » . En effet, l’article 2 de cet Acte reprend la définition en vigueur dans les droits nationaux et empruntée au droit français : « sont commerçants, ceux qui accomplissent des actes de commerce, et en font leur profession habituelle ».
Il maintient l’expression « profession habituelle » que le droit congolais a refusé d’emprunté au droit belge. L’absence des travaux préparatoires rend malaisée l’analyse de l’intention des rédacteurs de l’Acte. Néanmoins, pour les raisons développées au sujet de l’abandon du mot « habituelle » dans le texte du décret du 2 août 1913, notons que sur ce point cet acte aurait gagné à emprunter l’avancée du droit congolais .
Mais cette lacune est réparée par l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 sur le droit commercial général. En effet, son article 2 dispose : « Est commerçant celui qui fait de l’accomplissement d’actes de commerce par nature sa profession ».
(2 ) Les actes de commerce
L’Acte uniforme du 17 avril 1997 a soigneusement évité l’épineuse question de la définition de l’acte de commerce. Avec le pragmatisme qui a caractérisé traditionnellement les législations précédentes, elles s’est attelée à donner une liste d’actes de commerce, plutôt que donner un critère ou plusieurs critères susceptibles de permettre de reconnaître un acte de commerce, surtout que la définition qu’il propose est non exhaustive. Aussi, avait-t-elle manqué là, estimait la doctrine, l’occasion d’ « une construction cohérente et légale d’une définition légale de l’acte de commerce à partir de laquelle une théorie générale nouvelle ou ancienne, mais repensée, aurait pu émerger » .
Cette critique ne paraît plus, en ce jour, de saison. Car, l’article 3 de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 donne une définition de l’acte de commerce. Selon cette disposition, « l’acte de commerce par nature est celui par lequel une personne s’entremet dans la circulation des biens qu’elle produit ou achète ou par lequel elle fournit des prestations de service avec l’intention d’en tirer un profit pécuniaire ». Cette définition n’échappera certainement pas au feu de nouvelles critiques. Si dans sa première branche, elle correspond plus ou moins à la thèse de THALLER, qui caractérisait l’acte de commerce par le fait de s’interposer entre l’acte de production et l’acte de consommation , dans sa deuxième branche, elle tente de pallier les limites de cette théorie, en y adjoignant les actes de commerce constituant un service et en retenant comme critère central, la notion de lucre. Hélas, ce critère souffrira des critiques qui lui sont habituelles car la recherche de lucre n’est pas l’apanage du commerçant.
Enfin de compte devant la difficulté, la plupart des législations anciennes ou modernes ont renoncé à la tâche, si malaisé de définir l’acte de commerce. Le mérite du droit OHADA est d’avoir tenu à s’y essayer. Mais le résultat est loin de satisfaire aux buts poursuivis. Ces buts sont de permettre, dans un système où la liste des actes de commerce n’est pas limitative, d’avoir un critère clair pour reconnaître un acte de commerce.
La solution est peut-être celle retenue par le droit congolais : une liste limitative et absence de définition . Mais pour éviter les risques de rigidité y ajouter deux autres éléments : un réexamen régulier de la liste et une interprétation non stricte de la liste par les juges. Ce serait le triomphe de l’empirisme qui a toujours caractérisé le droit des affaires depuis ses origines.
Comme susdit, l’énumération des actes de commerce en droit OHADA n’est pas exhaustive. En effet, l’article 3 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général (aussi bien celui de 1997 que celui de 2010) introduit sa liste par le mot « notamment ». Le pouvoir est donc reconnu au juge de décider pour chaque acte non repris dans la liste énonciative de l’acte, s’il est commercial ou non. Ce pouvoir du juge, outre les inconvénients liés à des risques de contrariété de décisions judiciaires, n’est pas sans créer une certaine insécurité juridique : tel acte qualifié de civil par tel tribunal sera dit commercial par tel autre, surtout que doctrine et jurisprudence ne sont à ce jour pas d’accord sur le(s) critère(s) de la commercialité des actes. Et ce n’est pas la définition de l’acte de commerce porté par la dernière reforme OHADA qui résoudra la question.
A l’actif du droit OHADA, il convient de souligner que l’énumération des actes de commerce y consignée prend en compte les avancées modernes que le vieux décret congolais de 1913 ignore. Il s’agit par exemple de la vente d’immeubles en vue de leur revente qui est commercial en droit OHADA, mais que la législation congolaise exclut formellement du champs d’application du droit commercial. Le rapport du Conseil colonial, rédacteur du décret, est à ce propos, sans équivoque : « l’achat ou la location d’immeubles en vue de les revendre, de les louer ou de les relouer est un acte civil et reste un acte civil dans le système du projet. Par conséquent, un particulier non commerçant qui se livre à des spéculations immobilières ne devient pas commerçant et les spéculations immobilières d’un commerçant sont des actes civils » .
En l’occurrence, le droit OHADA s’est inspiré des avancées des législations françaises, belges et de plusieurs africaines, qui ont introduit la spéculation immobilière parmi les actes de commerce . Rien ne justifie plus que la RDC se maintienne dans une position que nos inspirateurs belges et français ont eux-mêmes abandonné depuis belle lurette. Voilà un point sur lequel le changement ne viendrait pas trop tôt, en cas d’entrée en vigueur d’OHADA, ou de toute autre reforme du droit congolais dans ce sens.
(3 ) La capacité d’exercer le commerce
« Nul ne peut accomplir des actes de commerce à titre de profession habituelle, s’il n’est juridiquement capable », dispose l’article 6 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 (Le nouvel Acte uniforme enlève l’adjectif « habituelle »). Le droit OHADA n’ayant pas réglementé la capacité des personnes, c’est le droit national qui s’applique, sauf les dispositions particulières contenues dans l’acte uniforme.
Selon l’article 7 du même Acte, le mineur ne peut avoir la qualité de commerçant ni effectuer des actes de commerce, sauf s’il est émancipé. A notre avis, cette disposition s’oppose à des dispositions plus restrictives du droit national. Ainsi, si le droit OHADA devenait applicable en RDC, l’autorisation du parent ou du tuteur ne serait plus exigée et le pouvoir du juge de restreindre la capacité du mineur émancipé quant à l’exercice du commerce sera aboli. En effet, la lecture a contrario de l’article 7 alinéa 1er précité donne « lorsqu’il est émancipé, le mineur peut exercer le commerce ». Il se comprend qu’il est reconnu au mineur émancipé un droit, et toute disposition du droit national qui soumettrait ce droit à des restrictions non prévues par le droit OHADA, serait contraire au droit OHADA et donc inapplicable en vertu de l’article 1er alinéa 2 de l’Acte Uniforme précité.
En droit OHADA, le mineur ou toute autre incapable ne peuvent être associés dans une société qui leur conférerait la qualité de commerçant. En droit congolais, seul le mineur non émancipé et les autres incapables souffrent de cette interdiction. En droit OHADA, le texte n’ayant pas distingué entre mineur émancipé et mineur non émancipé, il y a lieu de retenir que même le mineur émancipé ne peut faire partie d’une société qui lui confère la qualité de commerçant. Ce qui aboutit à un non-sens car le mineur émancipé peut être commerçant mais ne peut pas être associé à responsabilité illimitée.
L’alinéa 2 de l’article 7 précité dispose que « le conjoint d’un commerçant n’aura la qualité de commerçant que s’il accomplit les actes visés aux articles 3 et 4 ci-dessus, à titre de profession habituelle et séparément de ceux de son époux » (le nouvel Acte uniforme enlève « habituelle »). Une doctrine a estimé que pouvait se déduire de cette disposition que « la femme n’a pas besoin de l’autorisation de son mari, même si cette condition existe dans les dispositions relatives au mariage dans son pays » . Nous ne partageons pas cette opinion. En effet, la rédaction de l’article nous fait penser que cette disposition érige des conditions pour que le conjoint d’un commerçant (homme ou femme) puisse se voir reconnu la qualité de commerçant. Il (elle) doit exercer des actes de commerce, à titre professionnel, et de manière séparée. Mais ces conditions nécessaires ne sont pas suffisantes. En dehors d’elles, toutes autres conditions qui viendraient du droit national, ne serait pas contraire au droit OHADA et donc applicable. Nous soutenons donc qu’en cas de mis en application du droit OHADA en RDC, la femme mariée sera toujours soumise au régime de l’autorisation en ce qui concerne l’exercice du commerce. Cette disposition des Actes uniformes vise à clarifier la situation de confusion qui peut résulter de l’accomplissement conjoint par les époux des actes de commerce, en précisant que dans ce cas seul l’un des époux aura la qualité de commerçant, et non pas énumérer limitativement les conditions selon lesquelles toute femme mariée pourra se voir reconnu la qualité de commerçant. Par ailleurs, comment peut-on déduire d’une règle destinée au conjoint du commerçant, dont la femme mariée au commerçant, une règle applicable à toute femme mariée ?
Mais il est évident que les restrictions dont souffrent la femme mariée en droit congolais sont d’un autre âge et le mérite du droit OHADA, s’il n’empêche pas l’application des dispositions plus restrictives relevant des droits nationaux et de n’avoir pas lui-même, prévu de dispositions discriminatoires.
(4 ) Le régime d’incompatibilités et autres interdictions
Le droit OHADA prescrit des incompatibilités à l’exercice du commerce. Selon l’article 9 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997(la reforme de 2010 ne modifie pas ces dispositions), l’exercice du commerce est incompatible avec les fonctions ou professions de fonctionnaires et personnels des collectivités publiques et des entreprises à participation publique ; officiers ministériels et auxiliaires de justice : avocat, huissier, commissaire priseur, agent de change, notaire, greffier, administrateur et liquidateur judiciaire ; expert comptable agréé et comptable agréé, commissaire aux comptes et aux apports, conseil juridique, courtier maritime ; et plus généralement, toute profession dont l'exercice fait l'objet d'une réglementation interdisant le cumul de cette activité avec l'exercice d'une profession commerciale. Les incompatibilités en droit OHADA sont plus nombreuses qu’en droit congolais.
Selon le droit OHADA (la reforme de 2010 n’a pas modifié cette disposition de l’article 10), nul ne peut exercer une activité commerciale, directement ou par personne interposée, s'il a fait l'objet d'une interdiction générale, définitive ou temporaire, prononcée par une juridiction de l'un des États parties, que cette interdiction ait été prononcée comme peine principale ou comme peine complémentaire ; d'une interdiction prononcée par une juridiction professionnelle ; dans ce cas, l'interdiction ne s'applique qu'à l'activité commerciale considérée ; d'une interdiction par l’effet d’une condamnation définitive à une peine privative de liberté pour un crime de droit commun, ou à une peine d'au moins trois mois d'emprisonnement non assortie de sursis pour un délit contre les biens, ou une infraction en matière économique ou financière.
Le droit OHADA est plus sévère que le droit congolais, car pour solliciter la levée de l’interdiction, l’interdit doit attendre cinq ans . Mais comme en droit congolais, les tiers de bonne foi peuvent se prévaloir d’actes accomplis par les interdits, qui eux ne peuvent pas les opposer aux tiers .
Alors que le droit congolais prescrit que les personnes interdites d’exercer le commerce (déchéance ou incompatibilité) ne peuvent pas être associées dans une société qui leur confère la qualité de commerçant, le droit OHADA est plus stricte encore : ces personnes ne peuvent pas être associées dans aucune société commerciale ! Si le droit OHADA devenait applicable en RDC, les avocats, fonctionnaires et autres interdits de commerce, actionnaires ou associés devront céder leurs parts sociales !
B. La personne morale commerçante

En droit congolais comme en droit OHADA, une personne morale commerçante est nécessairement une société. Mais le droit congolais actuel a fait le choix exclusive de la commercialité par la forme [A] alors que le droit OHADA a combiné la commercialité pas la forme et celle par l’objet [B].
A. La personne morale commerçante en droit congolais
En droit congolais, la qualité de commerçant de la personne morale résulte de la lecture combinée de l’article 3 du décret du 2 août 1913, « sont commerciales, et soumises aux règles du droit commercial, toutes les sociétés à but lucratif, quel que soit leur objet, qui sont constituées dans les formes du code de commerce » ; et de l’article 1er alinéa 2 du décret du 23 juin 1960, « la loi reconnaît comme sociétés commerciales : la société en nom collectif (SNC), la société en commandite simple (SCS), la société privée à responsabilité limitée (SPRL), la société par action à responsabilité (SARL), la société coopérative (SC). »
Le droit congolais a donc fait le choix de la commercialité par la forme. En effet, il existe deux principes de solution pour distinguer les sociétés civiles et les sociétés commerciales. Soit, il est pris en compte leur objet, c’est le cas de la plupart des législations étrangères qui considèrent que la société est commerciale lorsqu’elle effectue, d’après ses statuts des opérations qui sont des actes de commerce. Soit, c’est sa forme qui importe, auquel cas la société est commerciale lorsqu’elle est constituée selon des formes auxquelles la loi attache le caractère commercial. En droit congolais, seule compte la forme. N’est pas justifié l’opinion doctrinale selon laquelle « sont civiles les sociétés qui, d’une part, ont adopté une forme autre que celles qui sont prévues par le code de commerce, (…) et qui d’autre part, ont un objet civil » . A l’en croire, en effet, une société même constituée dans une forme autre que commerciale mais qui aurait un objet commercial, serait commerciale. Cette position est indéfendable. Les dispositions précitées sont d’ordre public et impératives.
Il est curieux que l’article 3 précité exige de la société qui se veut commerciale, en plus du choix d’une des formes commerciales, « le but lucratif ». Pareille condition est superfétatoire, une société par définition poursuit la réalisation d’un bénéfice. Ceci est encore plus clair depuis l’introduction en droit congolais d’une définition légale de la société qui inclut la recherche de bénéfice .
Mais ce pléonasme était voulu par les rédacteurs qui le justifie : « cette expression est voulue ainsi, malgré son inélégance juridique, afin d’exclure clairement du bénéfice de cet article de nombreuse sociétés qui bien que constituées sous une forme commerciale n’en sont pas moins des sociétés de bienfaisance, d’enseignement, d’agrément, etc. la disposition vise exclusivement les sociétés dont le but de lucre est incontestable » .
Dès lors, le juge jouit-il d’une liberté d’appréciation ? La condition de la forme, bien que nécessaire, est-elle insuffisante ? Le juge a-t-il la liberté d’apprécier l’existence du but de lucre et éventuellement exclure du bénéfice de la commercialité une société constituée dans une forme commerciale, mais dont le but lucratif est sujet à doute ? La réponse me paraît positive. En effet, un juge qui aboutit à la conclusion, qu’au regard de ses statuts, la société ne vise pas le lucre, devra, dès l’abord, sur base de l’article 446.1, titre V bis du code civil congolais livre III qui définit la société comme « est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter », en prononcer l’inexistence. Mais cette inexistence ne vaudra que pour l’avenir. Pour son passé, il devra dire que la société n’était pas commerciale. Certes la disposition visée est malheureuse, mais elle existe, et tant qu’elle subsistera, il faudrait envisager cette possibilité incongrue.
Les entreprises publiques congolaises régis par la Loi n°78-002 du 6 janvier 1978 portant dispositions générales applicables aux entreprises publiques, et qualifiées pas la doctrine d’établissement public industriel et commercial (EPIC) n’existent plus. La doctrine et la jurisprudence congolaise sont unanimes sur le fait que les défuntes entreprises publiques n’étaient pas commerçantes au regard de la loi congolaise . La loi n°08/007 du 7 juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques a décidé que les entreprises publiques congolaises seraient transformées soit en société commerciale, soit en établissement public, soit en service publique non personnifié. Les sociétés issues de cette transformation ont la qualité de commerçant car elles sont nécessairement constituées en forme de SARL (de droit congolais) selon l’article 5, alinéa 1er de la loi précitée .
B. La personne morale commerçante en droit OHADA
« Le caractère commercial d’une société est déterminée par sa forme et son objet », dispose l’article ¬6, al.1 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif aux sociétés commerciales et GIE précité. Le droit OHADA retient le principe d’une commercialité par la forme ou par l’objet.
(1 ) La commercialité par la forme
« Sont commerciales, à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif (SNC), les sociétés en commandite simple (SCS), les sociétés à responsabilité limitée (SARL) les sociétés anonymes (SA) » . La commercialité est acquise à ces quatre types de société qui par ailleurs se retrouvent aussi en droit congolais, et en la même nature commerciale. En effet, le droit congolais tient également pour commerciales les sociétés en commandite simple et celles en nom collectif. Par ailleurs, la SA du droit OHADA est l’équivalent de la SARL de droit congolais, alors que la SARL de l’OHADA est le sosie de la SPRL congolaise.
L’Acte uniforme ignore la société coopérative dans son énumération des formes commerciales, contrairement au droit congolais.
(2 ) La commercialité par l’objet
« La commercialité par l’objet suppose que la société accomplit, conformément à l’article 2 (définition du commerçant) et à l’article 3 (énumération des actes de commerce) de l’Acte uniforme portant droit commercial général, des actes de commerce et en fait profession habituelle » . Ainsi, la société est commerciale, lorsque, même constituée dans une forme autre que les formes commerciales, elle accomplit des actes de commerce à titre de profession habituelle. Le mot « habituelle » devenant obsolète à l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant au droit commercial général.
En droit congolais, la commercialité par la forme est exclue. Le critère unique est formel. Ce choix a le mérite de la simplicité. Les opérateurs économiques qui désirent faire échapper leurs sociétés à la commercialité, sont sûrs d’atteindre leur but, une fois les formes commerciales évitées. Tandis que dans l’espace OHADA, des associés ayant sciemment éviter les formes commerciales et pris pour objet des activités n’entrant pas dans la liste légale des actes de commerce, peuvent se voir, tout de même, attribuer la qualité de commerçant, en application de la commercialité par l’objet renforcée par la non exhaustivité de la liste des actes de commerce. Si le système retenu par le droit OHADA a le mérite du réalisme, le choix du droit congolais présente une plus grande sécurité juridique pour les hommes d’affaire.
Les sociétés constituées selon les formes du droit privé sont commerçantes soit selon leur forme, soit selon leur objet, « peu importe que l’Etat soit associé unique ou associé avec d’autres (…) C’est dire que les sociétés d’Etat ou nationales, les sociétés à capital public, les sociétés d’économie mixte quel que soit le niveau de participation de l’Etat sont régies par l’Acte uniforme » .
Il semble cependant qu’il existe un certain doute sur le caractère commercial ou civil en droit OHADA des EPIC, qui correspondent aux Entreprises publiques « ancienne version » du droit congolais. M. ANOUKAHA soutient, avec justesse, que les EPIC sont commerçants, parce qu’ils exercent une activité commerciale et conformément à l’article 2 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général. Mais, nous ne partageons pas son raisonnement lorsqu’il note que ces EPIC relèvent de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le GIE. En effet, les EPIC, bien que commerçantes en droit OHADA, ne sont pas constituées en forme de sociétés.
Les Groupements d’intérêt économiques sont quant à eux commerçants, conformément à l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
Concernant les sociétés coopératives, précisons que la définition moderne que donne le droit OHADA de la définition de la société, permet au sein de l’espace OHADA qu’une coopérative prenne la forme de société. En effet, la société se caractérise désormais, non seulement par un souci de partager des bénéfices mais également dans celui de profiter de l’économie qui pourrait résulter de l’activité créée. Ce qui peut être le cas des coopératives. En outre, à raison de la commercialité par l’objet, il suffira qu’une société coopérative se fixe dans son objet l’accomplissement d’actes de commerce à titre de profession, pour que malgré sa nature « d’entreprenariat humaniste fermé sur ses membres » , elle acquiert la qualité commerciale. Dès lors, l’opinion selon laquelle, les sociétés coopératives « sont juridiquement des groupements ne poursuivant aucun but de lucre », ne distribuant aux coopérateurs qu’en principe des ristournes , ne fait plus obstacle ni à la nature sociétale de la coopérative, ni à son éventuelle caractère commercial.
Par ailleurs, la Reforme du droit OHADA du 15 décembre 2010 a concerné également les sociétés coopératives. En effet, l’acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives a été adopté ledit 15 décembre 2010, publié dans le Journal officiel de l’OHADA le 15 février 2011 et entrera en vigueur le 16 mai 2011. Ce texte qui organise les sociétés coopératives ne fait pas obstacle à l’application à ces sociétés, lorsqu’elles auraient un objet commercial, et donc seraient commerçantes, des règles de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et les groupements d’intérêt économique et de l’acte relatif au droit commercial général. Ainsi, ces sociétés coopératives commerciales devront s’inscrire au Registre du commerce et du crédit mobilier conformément à l’article 27 de l’acte uniforme sur le droit commercial général, outre le fait qu’elles s’inscriront au Registre des sociétés coopératives.
(3 ) La problématique de l’article 3, alinéa 1er de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et GIE
Notons le contenu de l’article 3 alinéa 1er de cet Acte uniforme dispose que : « toutes personnes, quelle que soit leur nationalité, désirant exercer en société, une activité commerciale, doivent choisir l’une des formes de société qui convient à l’activité envisagée parmi celles prévues par le présent Acte uniforme ».
Selon le Professeur ISSA SAYEGH, « la société civile à objet commercial devra adopter une des formes de société commerciale prévue par l’acte uniforme ; celle qui ne prendrait pas l’une des formes commerciales précitées ne se trouverait pas soumises aux dispositions de l’Acte uniforme mais encourrait la nullité selon les dispositions implicites de l’article 3 » .
Il est vrai qu’une telle société violerait les dispositions d’ordre public de l’article 3 de l’Acte uniforme. Car toutes les dispositions de l’acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et GIE sont en principe, d’après l’article 2 du même acte, d’ordre public. Mais les articles 242 et 244 de cet acte uniforme ont consacré dans le texte le fameux principe, « pas de nullité sans texte ». Il s’en suit que l’article 3 de l’acte uniforme n’ayant pas expressément prévu la sanction de nullité, une société qui y contreviendrait n’encourrait pas la nullité. Il serait toutefois approprié de décréter son inefficacité, c'est-à-dire son inaptitude à produire des effets de droit attachés à sa nature sociétale . Cette situation s’analyserait en fait pour ladite société comme une société de fait.
La position du professeur ISSA SAYEGH me paraît excessive relativement à la non-soumission d’une telle société à l’Acte uniforme. En effet, une telle interprétation aurait pour conséquence de rendre les incohérentes les dispositions de l’article 6 de l’Acte uniforme sur les Sociétés commerciales et GIE qui prévoient la commercialité par l’objet. Car alors, les sociétés civiles à objet commerciale ne seraient pas soumises à l’Acte uniforme bien qu’étant commerciales selon ladite disposition et l’article 1er qui dispose que « toute société commerciale » est soumis à l’Acte uniforme.
L’interprétation qui me semble appropriée est la suivante : il est interdit sous peine d’inefficacité d’exercer en société des activités commerciales sans prendre l’une des formes commerciales prévues par l’acte uniforme ; une telle société, le tribunal peut la déclarer inefficace. Toutefois, les règles relatives à la société de fait lui seront appliquées et elle sera, en tant que société de fait, considérée comme commerciale conformément à l’article 6 de l’Acte uniforme précité. En outre, la commercialité par l’objet trouvera une autre application en cas d’entrée en vigueur du droit OHADA en RDC, car les sociétés non constituées dans l’une des formes prévues par le droit OHADA , en attendant la mise en harmonie de leurs statuts avec l’Acte uniforme (dans les deux ans de ladite entrée en vigueur), bénéficieront de la qualité commerciale.
Mais il parait évident que la commercialité est en principe déterminée en droit OHADA par la forme. La commercialité par l’objet, n’étant qu’exceptionnelle et résiduelle.
A défaut de conclusion…

Je m’en voudrais de conclure !
L’adhésion de la RDC à l’OHADA est un choix plus politique que juridique, dont j’ai la modestie de laisser la responsabilité aux politiques. Quoi qu’il en soit, cette étude illustre peut-être caricaturalement, les faiblesses et les forces des deux droits.
D’une part, le droit OHADA est le fruit d’un pari audacieux, nécessairement risqué, mais pavé de bonnes intentions. Les dernières réformes de décembre 2010, indiquent cette bonne volonté et ce risque. Les rédacteurs de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit commercial général n’ont pas hésité à donner suite aux critiques, en modifiant, avec bonheur, la définition du commerçant. Mais on se rend bien compte que l’essai courageux (téméraire ?) de définition de l’acte de commerce n’a pas été concluant.
D’autre part, le droit congolais qui se prévaut d’un enracinement juridique particulier, dont le caractère parfois avant-gardiste coexiste paradoxalement avec une curieuse vétusté (le décret sur les commerçants et la preuve des engagements commerciaux date de 1913 !) ne fera certainement pas l’économie d’une profonde remise en cause, OHADA ou pas.
C’est donc l’heure des choix, au droit OHADA de se guérir de son péché congénital, de ce qu’il est trop un droit de bureaucrates dont la prétention à la modernité entraîne des solutions d’apprenti-sorcier pas toujours efficace.
Quant au droit congolais, il n’échappera pas à sa mue, peut-être grâce à OHADA. Mais en attendant, il ne faudra pas hésiter de jeter un coup d’œil comparatif à défaut d’être toujours admiratif, chez les voisins des terres « déjà » OHADA.
BIA BUETUSIWA
Bibliographie indicative
1. Textes normatifs

a. Droit congolais

1) Décret du Roi-souverain du 27 février 1887 sur les Sociétés commerciales tel que modifié à ce jour in Les codes LARCIER, République démocratique du Congo, tome III, droit commercial et économique, Vol. I Droit commercial, Ed. Larcier, Bruxelles, 2003, pp.84-92.
2) Décret du 2 août 1913, des commerçants et de la preuve des engagements commerciaux in Bulletin officiel, 1913, p. 775.
3) Décret du 6 mars 1951 sur l’institution du Registre du commerce in Bulletin officiel, 1951, p. 291.
4) Loi n° 08/007 du 7 juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques in Journal officiel de la République démocratique du Congo, n° spécial, 12 juillet 2008, pp. 5-8.

b. Droit OHADA

5) Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif aux sociétés commerciales et GIE in Journal officiel de l’OHADA n°2, du 1er octobre 1997.
6) Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général in Journal officiel de l’OHADA n°1, du 1er octobre 1997.
7) Acte uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopératives in Journal officiel de l’OHADA, n°23 du 15 février 2011.
8) Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant droit commercial général in Journal officiel de l’OHADA, n°23 du 15 février 2011.

2. Doctrine

1) François ANOUKAHA et al., OHADA-Sociétés commerciales et GIE, Bruylant, Bruxelles, 2002.
2) Ibrahima BÂ, Observations sur l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E. du traité de l’OHADA, in Revue EDJA n°35, octobre-novembre-decembre 1997 et in www.ohada.com/doctrine [24/04/2011]
3) Urbain BABENGENO, Le droit congolais des affaires, état actuel et perspectives de reformulation in www.ohada.com/doctrine [24/04/2010]
4) Alain COMLAN, Traité de droit commercial congolais, tome I, Nouvelles Editions Africaines, Paris, sans date.
5) Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, PUF/Quadrige, Paris, 2002 (3ème édition).
6) Joseph ISSA SAYEGH, Droit des sociétés commerciales OHADA : Droit commun et régimes particuliers in www.ohada.com/doctrine[24/04/2011]
7) Joseph ISSA SAYEGH, Le caractère d’ordre public des dispositions de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du Groupement d’intérêt économique, in www.ohada.com/doctrine[24/04/2011]
8) Jacqueline LOHOUES-OBLE, Innovations dans le droit commercial général, in Petites affiches, 13 octobre 2004, n°205, pp.8-10
9) LUKOMBE NGHENDA, droit des sociétés, tome I, PUC, Kinshasa, 1999.
10) LUKOMBE NGHENDA, Le règlement du Contentieux commercial, tome I, les tribunaux de commerce, PFDUC, Kinshasa, 2005.
11) LUKOMBE NGHENDA, Le règlement du Contentieux commercial, tome II, l’arbitrage, PFDUC, Kinshasa, 2006.
12) MUANDA NKOLE WA YAHVE ? Droit pénal issu des sociétés OHADA, cerda, kinshasa, 2011
13) Boris MARTOR et all., le droit uniforme africain des affaires issu de l’OHADA, Juris-Classeurs, Paris, 2004.
14) NGUYEN CHANH TAM et all., Guide juridique de l’entreprise, Faculté de droit, UNAZA, Kinshasa, 1973.
15) NGUYEN CHANH TAM et all., Lexique de droit des affaires zaïrois, CRP, Kinshasa, 1972.
16) OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, Paris, 2002.
17) Pierre PIRON et Jacques DEVOS, Codes et lois du Congo Belge, tome I, Larcier, Bruxelles, 1960, p.227.

Site internet : www.ohada.com

3 commentaires:

  1. Sincères remerciements pour cette étude comparative du Droit congolais d'avec le Droit Ohada.

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