Droit pénal des sociétés issu de l'OHADA
Fascicule n°1
Par
Don José Muanda Nkole wa Yahvé
Docteur en droit des affaires
Professeur d’universités
L’OHADA. Créée en 1993, l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) compte actuellement 16 Etats membres (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo), organise l’unification du droit des affaires et le règlement des litiges par une juridiction supranationale ainsi que la promotion de l’arbitrage. Les matières ci-après font l’objet d’actes uniformes : droit commercial général, sociétés et GIE, sûretés, procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, procédures collectives (faillite), arbitrage, comptabilité, transport de marchandises par route. D’autres projets sont en cours, notamment le droit des contrats, avec le concours d’une expertise tant africaine qu’internationale. Outre l’amélioration du climat des affaires, l’adhésion de la RDC à l’Ohada renforcera l’attractivité et satisfera l’objectif d’intégration régionale, clé du développement et de la paix en Afrique.
1.1. Considérations internes.
Sur le plan juridique, le droit congolais des affaires est lacunaire (l’équivalent de la société anonyme y est régi par trois articles), archaïque (incapacité juridique de la femme mariée, autorisation présidentielle pour la création de la SARL), désuet et obsolète (règles relatives à l’exercice du commerce par les étrangers, ignorance du bail commercial, inefficacité du registre du commerce, survivance d’un droit de la faillite répressif), en dépit de quelques efforts de
modernisation (droit minier, code des investissements). Sur le plan judiciaire, la possibilité qu’offre l’Ohada de faire trancher un litige définitivement par une juridiction supranationale se substituant aux cours suprêmes nationales apparaît comme l’élément le plus attractif pour les opérateurs économiques nationaux ou étrangers.
1.2. Considérations externes.
La vocation africaine bien affichée de l’Ohada est une motivation essentielle de l’annonce de l’adhésion de la RDC à l’Ohada. L’intégration juridique régionale est en effet nécessaire pour accompagner, encadrer et rationaliser l’intégration économique tant espérée.
2. Modalités d’adhésion de la RDC à l’Ohada
Qualité de membre de l’Union Africaine. La RDC, qui s’est engagée à accélérer son adhésion à l’Ohada (lettres d’intention au FMI : juillet et décembre 2003), en remplit la condition essentielle : être membre de l’Union africaine. Il reste la concrétisation du projet par une lettre d’intention du Chef de l’Etat aux dirigeants de l’Ohada et l’accompagnement de la démarche par le Parlement ainsi que le dépôt de l’instrument d’approbation auprès du Gouvernement dépositaire du Traité de Port Louis. Cette dernière formalité est lourde de conséquences, car elle enclenchera le décompte du délai de soixante jours à l’expiration duquel le droit uniforme issu de l’Ohada entrera en application dans l’Etat adhérent. Il n’est donc pas exclu qu’une période plus ou moins longue sépare l’acte d’adhésion du dépôt de l’instrument d’approbation afin de garantir la réceptivité et l’assimilation du nouveau droit des affaires.
I. Contexte et état des lieux[2]
I.1. Diagnostic
La dégradation du climat d’investissement, notamment en raison d’une insécurité juridique et judiciaire décriée depuis deux décennies au moins, a conduit les autorités congolaises à envisager la réforme du droit des affaires et la réhabilitation de la justice. D’une part, les règles applicables aux affaires sont éparses, peu accessibles, parfois fragmentaires, voire lacunaires, souvent archaïques, comme peuvent en témoigner le droit des sociétés par actions à responsabilité limitée (embryonnaire et obsolète) ou encore le droit de la faillite (largement dépassé par la pensée juridique moderne qui privilégie autant que possible le sauvetage des entreprises en difficulté), sans oublier le droit des contrats commerciaux (qui se réfugie souvent hasardeusement derrière le droit civil des contrats usuels et des contrats spéciaux) et le droit commercial général (bail commercial non réglementé, registre du commerce insuffisamment organisé).
D’autre part, notre droit ignore encore diverses techniques juridiques répandues à travers le monde : la société unipersonnelle (qui contribuerait à structurer le secteur informel), le groupement d’intérêt économique, le droit pénal des sociétés (apte à réprimer les abus de biens sociaux, par exemple), les procédures d’alerte (pour renforcer la prévention des risques dans les sociétés), l’optimisation du rôle et de l’autonomie des commissaires aux comptes, le mécanisme de la lettre de garantie en droit des sûretés, entre autres. En outre, le droit processuel des affaires s’illustre par la pratique de jugements iniques, à cause de divers maux dont souffre l’appareil judiciaire (démotivation des magistrats, absence de formation permanente et de spécialisation, corruption) ainsi que de l’ignorance des procédures de recouvrement accéléré des créances et de la stagnation des règles organisant les voies d’exécution (dont certains procédés, comme la saisie-attribution, par exemple, sont encore ignorés par notre droit).
Enfin, le souci de réformer notre droit des affaires a suscité moult tentatives depuis une vingtaine d’années. En vain. Certes, quelques succès ont été enregistrés dans des matières que l’ordre juridique congolais pourra jalousement conserver et expérimenter personnellement, ce qui pourrait hisser notre pays au rang de modèle à cet égard : Code des investissements, Code minier, Code forestier, Code fiscal en projet, Code douanier en projet, Code de l’énergie en projet. Hormis ces performances, le tableau du droit substantiel et processuel des affaires est largement sombre en ce vingt-et-unième siècle. Et dans le contexte de mondialisation, la réforme doit autant que possible se dessiner dans un cadre régional en termes d’harmonisation des règles juridiques, voire d’uniformisation.
I.2. Profil de l’Ohada
L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaire (Ohada) apporte une réponse appropriée, pratique, harmonieuse et africaine à la problématique ci-dessus. Dotée de la personnalité juridique internationale, cette organisation comprend quatre institutions : le Conseil des ministres (législatif votant les actes uniformes à l’unanimité), la Cour commune de justice et d’arbitrage (judiciaire veillant à l’interprétation et réglant le contentieux de l’application du traité) qui intervient comme cour suprême supranationale autant que comme structure d’appui à l’arbitrage, le Secrétariat permanent (exécutif, qui assiste le Conseil des ministres et gère le quotidien) et l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature. l'Ohada vise à promouvoir l’émergence d’une Communauté économique africaine, à renforcer la sécurité juridique et judiciaire pour favoriser le développement de l’Afrique et contribuer à la consolidation de l’Unité africaine. Elle instaure à cet effet un espace juridique commun (des règles unifiées) et un espace judiciaire commun (une juridiction supranationale exerçant la fonction de cour suprême). Elle regroupe des pays culturellement et juridiquement proches de la RDC (bien que majoritairement anciennes colonies françaises) : c’est l’Afrique des codes napoléoniens, dominée par le système romanogermanique en matière juridique. Le droit en vigueur dans l’espace Ohada est très semblable au droit congolais, mais nettement plus complet, plus moderne. Son introduction dans notre ordre juridique se réaliserait sans heurt. En vertu de l’article 2 du traité du 17 octobre 1993, par droit des affaires, l’Ohada entend ? l’ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d’exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports ?, mais aussi ? toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à l’unanimité, d’y inclure ?, conformément à l’objet du traité de l’Ohada. Cette conception extensive du droit des affaires s’illustre déjà par des normes juridiques uniques appelées actes uniformes. En vue d’améliorer le climat d’investissement mais aussi de s’inscrire dans une perspective africaine de création d’un espace juridique et judiciaire commun devant aller de pair avec, au plan politique, la consolidation de l’unité africaine et, au plan économique, l’émergence d’un marché commun africain, la RDC a tout intérêt à adhérer à l’Ohada.
Introduction
I. La nécessité d’un droit pénal congolais des sociétés
Concernant les infractions en droit pénal des sociétés, le législateur congolais a longtemps au détriment des intérêts des associés, des actionnaires, des tiers et du fisc, maintenu un vide juridique. Le décret du 27 février 1887 sur les sociétés commerciales n’a pas prévu d'infractions propres aux sociétés commerciales. L’on retrouve en matière de la responsabilité pénale des dirigeants sociaux en droit congolais, quelques infractions éparses pratiquement inappropriées. Il est déplorable que l’on se contente à appliquer des sanctions civiles en lieu et place des sanctions pénales en cas de violation de la législation sur les sociétés commerciales. L’inexistence d’un droit pénal congolais des sociétés a favorisé un accroissement des comportements abusifs dans le chef des dirigeants sociaux en RDC. Les dirigeants insoucieux des masses monétaires qui leur appartiennent pas, en abusent et vont jusqu’à confondre le patrimoine social en patrimoine personnel. Combien de fois, a-t-on vu, des responsables des sociétés commerciales détourner, voler, utiliser les sommes importantes d’argent ou les biens appartenant à la société à des fins personnelles et familiales ?
Un ADG qui utilise un véhicule de fonction pour une promenade familiale au delà des frontières de la capitale, qui le camion de l’entreprise pour transporter ses effets personnels, un directeur qui puise dans la caisse pour donner à ses concubines. Un mandataire public qui emploie fictivement ses parents ou qui abuse du crédit de la société. Tous ces comportements sont infractionnels sous d’autres cieux de manière précise, alors que le législateur congolais a brillé par son mutisme juridique. Ainsi, l’insécurité juridique couplée à celle judiciaire, a plongé l’économie nationale dans un gouffre inimaginable. Les opérateurs économiques mal protégés et les investisseurs mal sécurisés, ont toujours crié à l’aide sans une réaction de la part de celui habilité à légiférer en la matière. Pourtant la troisième République s’est efforcé de sécuriser et d'améliorer le secteur des affaires, ses efforts nous paraissent louables. Mais la protection pénale des épargnants qui se muent en actionnaires ou en investisseurs n’a malheureusement pas fait l’objet d’une réflexion satisfaisante. Il demeure la nécessité d’instaurer un droit pénal congolais des sociétés. Seul ce système répressif particulier aux sociétés commerciales, devra sécuriser ceux qui investissement dans les affaires sous forme d’une société commerciale. Ce droit devra concerner même les sociétés commerciales créées par l’Etat ou les sociétés publiques transformées en sociétés commerciales ou celles d’économie mixte.
III. L’objet de notre étude
Nous allons examiner les infractions propres instituées par le droit pénal des sociétés issues de l'OHADA, rappelons que la présente étude sera comparée puisque le législateur congolais n’a nullement instauré des infractions spécifiques aux sociétés. Nous faisons donc une incursion dans le droit OHADA dans la perspective d’une adhésion inévitable de notre pays à ce droit communautaire. Le processus d’adhésion étant très avancé, l’étudiant doit dépasser le stade des polémiques pour se verser dans l’étude pratique de ce droit. Le droit français nous servira de cadre effectif dans l’étude de différents éléments constitutifs des incriminations en matière de sociétés.
Titre 1. Les infractions relatives à la constitution des sociétés.
La loi française du 24 juillet 1966 regroupe un certain nombre d’infractions, les quelles infractions sont reprises par l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et de d’intérêt économie. Ces infractions éditées par l'Acte uniforme susmentionnées seront sous peu applicables au droit des sociétés issu de l'OHADA. Nous allons examiner les unes après les autre :Il s’agira des infractions de :
1 le délit d’émission ;
2 le délit de déclaration notariée mensongère ;
3 Le délit de simulation de souscription ou de versement et délit de publication de faux ;
4 Le délit de majoration de la majoration des apports ;
5 Le délit de négociation et enfin le délit d’exercice irrégulier de commissaire aux apports.
lChapitre I. Le délit d’émission
Article 886 de l’AUSC :
? Est constitutif d'une infraction pénale, le fait, pour les fondateurs, le président-directeur général, le directeur général, l'administrateur général ou l'administrateur général adjoint d'une société anonyme d'émettre des actions avant l'immatriculation ou à n'importe quelle époque lorsque l'immatriculation est obtenue par fraude ou que la société est irrégulièrement constituée ?.
Le délit d’émission précédemment par l’article du 24 juillet 1867 consiste dans le fait d’émettre des actions d’une société irrégulièrement.
Ce délit suppose deux éléments nécessaires à sa constitution. Le délit consiste dans le fait d’émettre des actions d’une société avant l’immatriculation ou d’une société irrégulièrement constituée. Il permet ainsi de sanctionner pénalement l’inobservance des règles de constitution de souscriptions ou des versements ayant trait à l’émission par les fondateurs, les administrateurs, les gérants ou toute personne par mandat de ces derniers qui procèderait à l’opération incriminée.
I
II I. la violation des règles de constitution et l’émission irrégulières des actions.
l
lA. Violation des règles de constitution
Les irrégularités s’expriment ainsi :
1) avant l’immatriculation au Registre de commerce et de crédit mobilier (RCCM) ;
2) à une époque quelconque si cette immatriculation a été obtenue par fraude.
a. mission des actions
C’est l’élément par lequel se consomme l’infraction. ?mettre n’est pas ici la souscription publique faite au public à apporter les capitaux, au sens de la loi, l’émission c’est créer matériellement et délivrer aux apporteurs de titres d’actions. L’émission pénalement réprimée suppose que les titres remis au souscripteur lui permettent d’exercer les droits attachés à la qualité d’actionnaire : droit sur l’actif social ; sur le bénéfice d’exploitation ; droit à la gestion de la société et de négocier les titres par voies commerciales. L’émission punissable est celle antérieure à la formation régulière de la société.
[3] Les irrégularités entachant la constitution de la société ou s’y rapportant plus ou moins directement, ne sont assorties des sanctions que s’il y a en outre émission d’actions ou de coupures d’actions. La loi ne punit pas en elle-même les irrégularités dans la constitution de la société ; elle ne le fait que le jour où les titres sont émis, donc susceptibles de transaction. Le délit d’émission est une infraction purement matérielle, elle n’exige l’élément moral, l’intention frauduleuse. Une simple faute suffit même si la faute n’est que présumée. C’est un délit de fonction. Pour que l’on puisse considérer la souscription comme intégrale, il faut
· que le capital soit souscrit en totalité ;
· que les souscriptions soient sincères ;
· qu’elle soit ferme et irrévocable et que et que les fonds soient tenu à la disposition de la société jusqu’à sa constitution définitive.
I Le capital doit être souscrit en totalité : il faut entendre par là que toutes les actions doivent trouver un preneur et que le montant des actions souscrites et le montant des actions souscrites doit bien représenter la totalité du capital annoncée.
3 Les souscriptions doivent être sincère : il s peut, en effet, que, dans l’impossibilité de placer la totalité des actions, les fondateurs recourent des combinaisons artificielles destinées à faire croire aux tiers l’intégralité de la souscription.
Le procédé le plus couramment employé consiste à faire croire à l’intégralité des actions par des hommes de paille des fondateurs : employés, domestique, acolytes quelconque, dénuées des ressources personnelles et n’ayant en aucune façon l’affection societatis. En ce qui concerne les sociétés à prête nom, de toute façon, il aboutit au fait que sont réputées fictives les souscriptions au nom des personnes imaginaires ou des personnes qui n’ont pas réellement souscrit, ou de qui manifestement incapables d’acquitter le premier quart exigible sur leurs titres.
Enfin ; n’est pas fictive une souscription libérée au nom de fonds empruntés ; elle ne saurait résulter non plus de l’insolvabilité du souscripteur survenu après la constitution.
l Les souscriptions doivent être fermes et irrévocables : sont par conséquent prohibées les souscriptions à terme ou sous condition. Celles-ci se présentent, en pratique ; sous forme de réserves insérées dans le but dans le bulletin de souscription.