lundi 30 mai 2011

Aperçu sur le droit arbitral OHADA


Elisabeth VIANNEY

Sous la direction du Professeur Don José Muanda

Depuis les temps anciens, l’homme a toujours été considéré comme un être sociable. Pris individuellement, il ne saurait faire face à certaines difficultés et ne saurait survivre par la même occasion.

Jadis, des relations humaines étaient très limitées compte tenu des difficultés de communication, des moyens de déplacement…

Mais depuis l’avènement de la mondialisation et l’évolution technologique qui l’accompagne, les hommes peuvent facilement communiquer, en un rien de temps, une information peut quitter le nord pour le sud…

Chaque individu pris individuellement a ses intérêts et dans une société, les intérêts des citoyens ne convergent toujours pas. C’est en cas de divergence des intérêts que naissent les conflits. Plusieurs moyens ou modes ont été mis en place dans le monde contemporain pour les résoudre. Il existe classiquement les cours et tribunaux étatiques qui sont les moyens les plus utilisés.

En second lieu, il existe des modes alternatifs de règlement des conflits (MARC), l’on entend les mécanismes autres que les juridictions étatiques de jugement dans le règlement des litiges. Parmi ces modes, nous avons la conciliation, la médiation et l’arbitrage. Ces modes ne sont pas trop connues et utilisés dans notre pays car le système judiciaire actuel hérité de la colonisation et non repense par le nouveau législateur a créé une mentalité qui considéré le procès judiciaire comme le remède à tout conflit et mieux encore la voie par excellence ou presque exclusive de règlement des conflits. Mais signalons aussi que les facultés de droit des universités de notre pays, n’ont développé ni un enseignement approprié relatif aux autres modes de règlement des conflits.

Parmi les modes alternatifs de règlement des conflits, il y a un qui est presque semblable à la justice étatique du point de vue surtout de la procédure. C’est celui qui fait l'objet de du présent ouvrage. Il s’agit de l’arbitrage.

Il aide à combattre la lenteur de la justice étatique, la surcharge des juridictions et des parquets, la corruption qui gangrène la justice de l’Etat, la méfiance de citoyens envers la justice officielle, etc. L’arbitrage consiste à faire trancher un litige par des particuliers dont la sentence à néanmoins la même autorité qu’un jugement rendu par un tribunal de l’Etat.

 Chapitre 1. Les effets de la sentence arbitrale en droit congolais

1. Briefing sur l’arbitrage

A. Définition

L’arbitrage est le mode de règlement des litiges consistant pour les parties à soustraire leur litige de la compétence du juge étatique et l’attribuer à un juge privé choisi par elles.

En République Démocratique du Congo, l’arbitrage est prévu et réglementé par le code de procédure civile, dans son titre V. Le code lui consacre 35 articles allant de l’article 159 à l’article 194.

A. Les avantages de l’arbitrage

L’arbitrage présente plusieurs avantages :
1. La souplesse ou la flexibilité :

L’arbitrage est par vocation une procédure souple. Les parties et les arbitres peuvent librement choisir la procédure applicable. A ce propos la procédure Congolaise prévoit que les arbitres décident d’après les règles de droit à moins que la convention d’arbitrage ne leur donne pas pouvoir de prononcer comme amiables compositeurs . Ils peuvent également librement choisir la langue et le lieu de l’arbitrage, mais aussi le délai d’arbitrage que les parties peuvent fixer .

1. La neutralité :

L’importance de l’arbitrage, fondement de sa neutralité. Les arbitres sont plus neutres que les juges étatiques surtout dans un Etat comme le notre. Cette neutralité provenant du fait que les parties ont conventionnellement désigné les arbitres.
1. La technicité et la qualité :

L’expertise des arbitres induisent la qualité de l’arbitrage. Le recours à l’arbitrage permet de confier le règlement du différent aux techniciens, aux personnes qui connaissent le domaine dans lequel s'insère le litige.

1. La confidentialité :

L’arbitrage permet une discrétion étant donné que les sentences arbitrales ne sont pas nécessairement publiées, les audiences elles – même ne sont pas publiques. Il faut dire qu’en général, la procédure d’arbitrage est souhaitée par les hommes d’affaires qui ne désirent pas que leur différents soient traités sur la place publique.
1. La rapidité :

Elle est due grâce à la technicité des arbitres, mais aussi elle découle de la loi, en effet l’article 167 du code de procédure civile indique que si le compromis n’en fixe pas la durée, la mission des arbitres cesse six moins après la date du compromis.
1. L’efficacité :

Les sentences arbitrales sont souvent exécutées spontanément par la partie succombant afin de préserver sa réputation surtout dans les milieux des affaires.
1. Les coûts généralement moins élevés :

L’arbitrage a l’avantage d’être souvent moins cher que la procédure étatique. Les provisions et honoraires peuvent donner les apparences d’un coût élevé si on ne prend pas en compte le fait que devant les juridictions étatiques les procédures sont parsemées de paiement des frais dus à des droits proportionnels, plus d’autres frais divers.
l 1.2. Le problème de garantie :

L’arbitrage supprime certaines garanties notamment la renonciation à l’exercice des voies de recours de droit commun.
1. Le déséquilibre entre partie :

Une partie économiquement plus forte peut imposer ou choisir des arbitres plus expérimentés en la matière que ceux choisis par l’autre. Ces arbitres peuvent dans une certaine mesure déséquilibrer la sentence arbitrale.
1. La difficulté d’établir un programme d’audience

Elle est liée au fait que les arbitres n’ont toujours pas le même emploi du temps.
1. La qualité

Quelques fois la question de la qualité de l’arbitrage peut se poser. Le fait que les parties conviennent de la suppression d’un recours en appel peut donner libre cours aux arbitres de commettre des injustices. Dans certains autres cas, il n’est pas exclu que les arbitres soient purement et simplement achetés par la partie la plus fortunée.

A. Les conditions de validité de la convention

1. La capacité de compromettre

Quiconque a la capacité ou le pouvoir de transiger, peut, dit l’article 159 du code de procédure civile, compromettre pourvu que la contestation puisse faire l’objet d’une transaction. Ici il faut donc que les parties aient la double qualité et d’ester en justice et celle de disposer du droit litigieux.
1. L’arbitralité du litige

Il faut dire que toutes les matières ne sont pas susceptibles d’être soumises à l’arbitrage pour plusieurs raisons, par exemple les matières qui relèvent de l’ordre public.

A. La convention d’arbitrage

La convention d’arbitrage est un contrat par lequel les parties décident de soustraire le litige qui les oppose à la compétence des juridictions étatiques pour les soumettre à des arbitres, cette convention peut être conclue soit avant ou après la naissance du litige.
1. Les formes de la convention d’arbitrage

La convention d’arbitrage peut prendre deux formes à savoir la clause compromissoire et le compromis d’arbitrage.

a. La clause compromissoire

C’est la clause par laquelle les parties prévoient à l’avance que les litiges qui surgiraient seront soumis à l’arbitrage. La clause compromissoire est donc conclue avant la naissance du litige, elle ne contient pas nécessairement les noms des arbitres. Souvent les parties prévoient qu’elles choisiront chacune un arbitre et ces arbitres désigneront un troisième arbitre.

Lorsque le litige surgit, la partie la plus diligente désigne un arbitre et le notifie à l’autre partie par une lettre recommandée avec sommation de procéder de même. A défaut pour la partie sommée de désigner son arbitre, la partie la plus diligente saisit le président du tribunal de grande instance compétent qui désignera un arbitre.

1) La forme de la clause compromissoire


La clause compromissoire est stipulée par écrit, généralement dans le contrat signé entre parties. Elle peut être faite dans un document auquel le contrat se réfère. Cette référence est conseillée afin d’éviter la contestation sur l’existence de la clause. L’article 164 du code de procédure civile qui donne des indications sur la forme de la convention d’arbitrage stipule que toute convention en matière d’arbitrage et tous les actes ayant pour objet de compléter ou de modifier semblable convention, doivent être constatés par écrit, à l’exclusion de tout autre mode de preuve.

1) Les effets de la clause compromissoire


En tant que contrat, la clause compromissoire est soumise à l’article 63 du code civil livre III qui pose le principe de la relativité des contrats. Ainsi, la clause compromissoire ne produit pas ses effets à l’égard des tiers. Lorsqu’une affaire qui oppose les parties est indivisible avec un autre litige où interviennent d’autres personnes que les parties, les juridictions étatiques restent compétentes. Une tiers ne peut non plus être appelé en intervention forcée dans une cause soumise à l’arbitrage.

a. Le compromis d’arbitrage


C’est la convention par laquelle les parties décident après la naissance du litige, de recourir à l’arbitrage en désignant les arbitres qui connaîtront de l’affaire. A la différence de la clause compromissoire, le compromis d’arbitrage fait suite à la naissance du litige et contient nécessairement les noms des arbitres et l’objet du litige, sous peine de nullité .

La clause compromissoire ne contenant pas nécessairement les noms des arbitres et ayant été insérée dans le contrat avant même la naissance du litige, ne suffira pas pour entamer l’arbitrage. Les signataires de la clause compromissoire devront donc recouvrir au compromis pour déterminer l’objet du litige et procéder à la nomination des arbitres .

• Les causes de nullité du compromis

Les causes de nullité du compromis d’arbitrage peuvent être synthétisées de la façon qui suit :


1. L’incapacité à compromettre (Art. 159) ;
2. Le défaut d’objet ou le défaut de précision de l’objet d’arbitrage (Art. 165) ;
3. Le défaut de désignation des noms des arbitres (Art. 165) ;
4. La non – arbitralité de la matière (le litige ne peut faire l’objet d’une transaction, article 159).
A. La juridiction d’Etat compétente pour connaître des incidents


Le tribunal compétent pour connaître des questions relatives à l’arbitrage est le tribunal de grande instance. D’après l’article 166 du code de procédure civile, les parties ont la faculté de choisir le tribunal de grande instance auquel elles veulent attribuer la compétence. Sur cette question, on se réfère d’abord à la convention d’arbitrage.

L’exposé des motifs sur l’article 166 que bien que le tribunal arbitral soit effectivement une juridiction d’origine contractuelle, l’intervention des juridictions ordinaires peut être nécessaire dans le nombreux cas soit pour l’accomplissement de certains devoirs qui dépassent la compétence des arbitres telle pour rendre exécutoire la sentence arbitrale (Art. 184), soit pour tout autre incident dont les parties ne peuvent connaître (Art. 177), etc.

A. Les arbitres

1. Les conditions pour être arbitre


Les arbitres doivent avoir la capacité de contracter et de s’obliger. La loi ne pose aucune condition quant à la qualification des arbitres.

1. La mission des arbitres


Lorsqu’elle n’est pas fixée par les parties, la durée de la mission des arbitres est de six mois à compter de la date du compromis. Cette durée peut être prorogée par une convention de parties par un procès – verbal des arbitres ou encore par un jugement rendu par le tribunal de grande instance.


1. La récusation des arbitres et le déport


La récusation et le déport des arbitres sont possibles conformément aux articles 71 et suivants du code d’organisation et compétence judiciaire. La récusation est faite par requête adressé au président du tribunal de grande instance compétente ; la décision accorde ou rejetant la récusation n’est pas susceptible de recours.


1. La suspension et la révocation de la mission des arbitres

a) La suspension

La mission des arbitres est suspendue par :
• La récusation d’un arbitre ;
• Le décès ou l’incapacité de l’une des parties ;
• Les mesures d’instruction admises devant les tribunaux en matière civile et commerciales ;
• Les incidents qui ne sont pas de la compétence des arbitres. Lorsqu’il y a une suspension pour ce dernier cas, les arbitres disposent de plein droit d’un délai de trois mois.

a) La révocation


A partir du compromis, la révocation d’un arbitre n’est possible qu’avec le consentement des parties.

1. La fin de la mission des arbitres


La fin de la mission des arbitres se fait par l’arrivée du terme ou le prononcé de la sentence arbitrale.


1. Les honoraires des arbitres


Les arbitres fixent eux – mêmes le montant de leurs honoraires conformément aux usages. Les arbitres statuent sur les dépends et les mettent à la charge de la partie succombant.
A. L’instance arbitrale


L’instance d’arbitrage se déroule de façons suivantes :
1. Les parties comparaissent en personne ou représentées par un avocat porteur des pièces ou par un fondé de pouvoir spécial agrée par les arbitres ;
2. Dès l’accord des parties, les arbitres peuvent juger sur les pièces. Toutefois, même dans ce cas, les arbitres peuvent décider que les parties soient entendues ;
3. Les pièces sont après communication préalable entre parties, remises aux arbitres dans les délais fixés par eux. Lorsque la partie ne remet pas les pièces, les arbitres jugent sur les seules pièces reçues ;
4. Les arbitres peuvent ordonner toutes les mesures d’instruction admises devant les juridictions de droit commun ;
5. Les mesures d’instruction ordonnées suspendent le délai de l’arbitrage ;
6. Tout incident dont les arbitres ne peuvent connaître est pourvu devant le tribunal de grande instance compétente. L’arbitrage dans ce cas est suspendu jusqu’au jour où les arbitres seront informés par la suite la plus diligente que le jugement sur l’incident a acquis la force de chose jugée.
7. Sauf convention des parties, ces dernières et les arbitres sont dispensés de suivre les délais et formés d’actes prévus devant les juridictions d’Etat (Art. 166 du code de procédure pénale).
 2. LA SENTENCE ARBITRALE ET SES EFFETS

La sentence arbitrale est la décision prise par les arbitres pour trancher les litiges. La sentence est définitive. Elle peut être totale ou partielle. Dans leur sentence, les arbitres appliquent les règles de droit sauf si les parties leur ont donné le pouvoir de statuer en amiables compositeur (Art. 178 du code de procédure pénale).

La sentence arbitrale est prononcée après le délibéré à la majorité des arbitres. Elle doit être motivée car, elle est un jugement. Une sentence arbitrale peut faire l’objet d’une exécution provisoire, nonobstant appel.

1. La forme de la sentence arbitrale

La sentence arbitrale est exécutée, datée et signée par tous les arbitres. Il peut arriver que la minorité refuse de signer la sentence. Il ressort de l’article 180 que si un ou plusieurs arbitres constituant la minorité ne veulent signer, il est fait mention de ce refus dans la sentence sans pour autant indiquer ses motifs. Nous pouvons assimiler au refus de signer l’empêchement dans lequel se trouve un témoin de signer la sentence à la rédaction de laquelle il a participé. Ce qui est exigé, c’est que les signataires constituent la majorité d’arbitres. Lorsque la mention est faite la sentence renferme le même que si elle avait été signée par tous les arbitres.

La sentence arbitrale doit contenir les mentions suivantes :
• Les noms et les domiciles des parties ;
• Les noms, domiciles et signatures des arbitres ;
• L’objet du litige ;
• La date à laquelle la sentence a été rendue ;
• Le lieu de l’arbitrage et de la sentence ;
• La motivation.


Il faut dire que ces mentions ne sont pas imposées à peine de nullité. Une fois encore, l’article 190 qui prévoit la nullité et en énumère de façon limitative les causes ne cite pas l’absence de l’une des mentions comme cause de nullité. Elles ne sont requises que pour les besoins de la preuve et d’ailleurs d’autres moyens de preuve pourraient suppléer leur absence.

1. Les effets de la sentence

En droit congolais, la sentence arbitrale a deux effets qui sont :
• Le dessaisissement des arbitres
• La sentence lie les parties

a) Le dessaisissement des arbitres

La sentence arbitrale met fin au différend. C’est la force décisoire, le premier effet de la sentence arbitrale. Il faut dire que la force décisoire signifie que la sentence dessaisit l’arbitre du litige tranché.

Nous notons que la sentence rendue par un tribunal arbitral est un acte juridictionnel, contrairement aux autres modes alternatives de règlement des conflits. Elle comporte donc des effets vis – à – vis des arbitres eux – mêmes et vis – à – vis des parties à l’arbitrage.

Après avoir prononcé la sentence, les arbitres sont dessaisis, même si la sentence est nulle par suite d’irrégularités commises par eux. Il est donc interdit aux arbitres de substitué une sentence régulière à celle qui est entaché d’un vice. Signalons que toutefois la solution inverse devrait être admises si, la sentence n’ayant pas encore été notifiée, tous les arbitres sont d’accord pour la la modifier ou, même si la sentence soit substituée à la première. Cette attitude des parties doit être considérée comme couvrant la nullité, même celle résultant du défaut de la convention d’arbitrage, cette nullité n’étant pas d’ordre public . Ce dessaisissement ne joue naturellement, que pour les sentences définitives et non pour les sentences préparatoires ou interlocutoires.


a) La sentence lie les parties

Notons que vis – à – vis des parties l’article 181 prescrit que la sentence arbitrale tient lieu de loi aux parties. Elle fait foi comme une convention entre elles et ne peut être opposée aux tiers. De ce fait, la sentence, aussitôt prononcée, comporte l’autorité de la chose jugée à l’égard des parties. Ce qui a été jugé par les arbitres sous réservé de la triple identité, c’est – à – dire de mêmes demandes, même cause, mêmes parties, ne peut plus être rejugé par d’autres arbitres ou même par une juridiction étatique car il y a un principe en droit qui dit : « non bis in idem » comme en droit commun, l’autorité de la chose jugée revêt le caractère d’ordre privé.

Nous terminons notre premier chapitre de ce travail en disant que l’arbitrage étant une justice privée, les sentences sont habituellement exécutées de façon volontaire. Mais il n’en est toujours pas ainsi. Voilà pourquoi la partie qui voudrait passer à l’exécution forcée, obtient la minute de la sentence arbitrale soit déposée par l’un des arbitres au greffe du tribunal du première instance compétent en vertu de l’article 166 en vue d’obtenir l’exequatur qui est accordée par ordonnance du président de la juridiction précitée. Il faut dire que cette ordonnance peut faire l’objet d’un appel formé par requête adressé au président de la cour d’appel dans un délai de quinze jours à partir de la signification. D’où l’importance des voies de recours que disposent la partie lésée qui sont : l’appel et la requête civile.







 Chapitre 2. Les effets de la sentence arbitrale en droit ohada

 1. Briefing sur l’ohada et l’arbitrage en droit ohada


A. Briefing sur l’arbitrage

Dans le préambule du « traité de Port – Louis » on peut lire que les Etats signataires sont « désireux de promouvoir l’arbitrage comme instrument de règlement des différents contractuels ». Et pour ce faire, le conseil des ministres de l’OHADA, réuni à Ouagadougou (Burkina – Faso) le 11 mars 1999, adapte l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUIDA) et le règlement d’arbitrage (RA) de la CCJA.

La CCJA n’ayant pas le monopole de l’arbitrage, il faudra distinguer selon qu’il s’agit d’une procédure d’arbitrage institutionnel ou d’une procédure d’arbitrage ad hoc, il revient aux parties, au moment de la rédaction de la clause compromissoire, de choisir l’une ou l’autre procédure.

1. L’arbitrage institutionnel

Dans cet arbitrage, les parties soumettent l’arbitrage aux règles de l’institution d’arbitrage, la CCJA qui joue, pour la circonstance, le rôle d’un centre d’arbitrage car elle accompagne, contrôle la procédure qui se déroule devant l’instance arbitrale. Elle administre la procédure d’arbitrage sur base du traité et au règlement d’arbitrage (RA).

a. Le champ d’application

L’application de la CCJA est conditionné par l’instance d’un lien avec un Etat membre en ce que, soit la partie est domiciliée ou réside habituellement dans un Etat membre ou encore le fait que le contrat est exécuté dans un Etat membre.

A cet effet l’article 21 du traité stipule clairement qu’en application d’une clause compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage, toute partie au contrat, soit que l’une des parties ait son domicile ou sa résidence habituelle dans un des Etats parties, soit que le contrat soit exécuté ou à exécuter en tout ou en partie sur le territoire d’un ou plusieurs Etats parties, peut soumettre un différend d’ordre contractuel à la procédure d’arbitrage prévue par le traité.

a. La convention d’arbitrage

L’arbitrage qu’il soit interne ou international suppose que les parties décident de soustraire leur litige aux juridictions étatiques pour les soumettre aux arbitres. La convention d’arbitrage est alors une condition sans lesquelles il ne peut être question d’arbitrage. Et même l'arbitrage institutionnel repose sur la volonté des parties.

a. Le tribunal arbitral

1. La désignation des arbitres par les parties

D’après le règlement d’arbitrage de la CCJA, la priorité est laissée aux parties dans la désignation des arbitres. L’article 3.1 du règlement fixe leur nombre à un ou trois.

1. La désignation des arbitres par la cour

A défaut de choix par les parties, la cour nomme un arbitre unique, à moins que le différend ne lui paraisse justifier la désignation de trois arbitres qui seront choisis par les parties (Art 3.1 al 4 RA).

Lorsque plusieurs parties, demanderesse ou défenderesses doivent présenter à la cour des propositions conjointes pour la nomination d’un arbitre et qu’elles ne s’accordent pas dans le délai imparti, la cour peut nommer la totalité du tribunal.

Les arbitres peuvent être aussi choisis sur la liste des arbitres établie par la CCJA et mise à jour annuellement. Les membres de la cour ne peuvent pas être inscrits sur cette liste (Art. 3.3 du règlement de la CCJA).

1. Critères de désignation des arbitres

Pour la désignation des arbitres, la cour tient compte de la nationalité à la fois du lieu de résidence des parties, du lieu de résidence de leurs conseils et des arbitres, de la langue des parties, de l’objet du litige et du droit applicable (Art.3.3 du règlement d’arbitrage de la CCJA)

1. Conditions de désignation des arbitres

Les arbitres doivent se tenir indépendants vis – à – vis des parties en cause. Ils doivent poursuivre leurs missions jusqu’à terme.

Ils doivent, en outre, informer la CCJA de tout fait susceptible de remettre en cause son indépendance dans l’esprit des parties. L’arbitre fait connaître immédiatement par écrit au secrétaire général de la cour et aux parties, les faits et circonstances de même nature qui surviendraient entre sa nomination ou sa confirmation par la cour et la notification de la sentence finale.

La cour organise la procédure de récusation dont les délais et procédures à suivre sont à respecter (Art 4.2, RA).

1. Le remplacement d’arbitres

Le remplacement d’un arbitre est envisagé lorsque sa récusation a été admise, en cas de décès ou lorsque sa démission est acceptée. Si la démission n’est pas acceptée, l’arbitre doit être obligatoirement remplacé s’il s’agit d’un arbitre unique ou du président du tribunal arbitral. Dans d’autres cas, la cour apprécie s’il y a lieu au remplacement compte tenu de l’état d’avancement de la procédure et de l’avis des deux arbitres qui n’ont pas démissionné. Dans le cas où la CCJA décide qu’il n’y a pas lieu au remplacement, la procédure se poursuit et la sentence pourra être rendue malgré le refus de concours de l’arbitrage dont la démission a été refusée (Art 4.3 du RA).

a. La procédure

1. La demande d’arbitrage

La procédure arbitrale du règlement de la CCJA débute avec une demande d’arbitrage (Art 5 du RA de la CCJA) adressé au secrétaire général de la cour.

Cette demande comprend les différentes mentions énoncées à savoir l’exposé sommaire des prétentions du demandeur et des moyens produits à l’appui de sa demande ainsi que la convention d’arbitrage intervenue entre les parties. Elle doit également être accompagnée d’une consignation de la somme de 200.000 francs CFA qui équivaut actuellement à plus ou moins 330 dollars américains .

En nous référant à l’article 6 du règlement d’arbitrage de la CCJA, les parties défenderesses doivent dans 45 jours à la date du reçu de la notification du secrétaire général, adresser leurs réponses à celui – ci. La réponse à la demande d’arbitrage doit aussi contenir certaines mentions telles que la confirmation ou non de l’existence d’une convention d’arbitrage entre les parties renvoyant à l’arbitrage institué au titre IV du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique. Elle contient l’exposé de l’affaire, la position du défendeur sur les demandes formées contre lui avec indication des moyens et des pièces sur lesquelles il entend fonder sa défense. En cas d’absence de convention d’arbitrage ou lorsque la défenderesse décline l’arbitrage de la cour ou ne répond pas dans le délai de quarante cinq jours, l’arbitrage ne peut avoir lieu.

1. La tenue d’une réunion avec les parties

Dans le déroulement de cette procédure, le règlement d’arbitrage de la CCJA prévoit le tenu d’une réunion entre les parties ou leurs représentants dûment habilités et leurs conseils. La réunion doit se tenir dans les 60 jours de la réception du dossier par l’arbitre et se termine par un procès – verbal établi par l’arbitre (Art 15.1 et 15.2 du RA).

1. Les règles applicables

En ce qui concerne les règles applicables à la procédure, les règles sont celles qui résultent du règlement de la cour et dans le silence de ce dernier, celles que les parties ou à défaut l’arbitre détermine en se référant ou non à une loi interne de procédure applicable à l’arbitrage (Art 16 du règlement).

Il faut dire que les parties sont aussi par contre libres de déterminer le droit que l’arbitre devra appliquer au fond du litige. A défaut d’indication par les parties du droit applicables, l’arbitre appliquer la loi désigne par la règle de conflit qu’il jugera appropriée en l’espèce.

1. Les frais d’arbitrage

Au terme de l’article 11.1 du règlement d’arbitrage, la cour fixe le montant de la provision de nature à faire face aux frais d’arbitrage entrainés par les demandes dont elle est saisi.

Cette provision est ensuite ajustée si le montant du litige se trouve modifié d’un quart au moins ou si des éléments nouveaux rendent nécessaire cet ajustement.

Des provisions distinctes pour la demande principale et pour la demande reconventionnelle peuvent être fixées si une partie en fait la demande. Ces provisions sont dues par parts égales par le demandeur ou le défendeur.

1. L’arbitrage ad hoc
Il est régit par l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AU/DA) ; toute fois, quand elles peuvent déroger aux dispositions dudit acte, il est loisible aux parties de déterminer la procédure.

Cette forme d’arbitrage est presque semblable à l’arbitrage régis par le code de procédure civil de notre pays que nous avons vus dans le premier chapitre, voilà pourquoi nous n’allons pas nous répétés.
 2. LA SENTENCE ARBITRALE ET SES EFFETS EN DROIT OHADA

En ce qui concerne les effets de la sentence arbitrale en droit OHADA, nous allons les classes en deux groupes ou catégories qui sont :

• Les effets de la sentence indépendants de l’exequatur
• Les effets de la sentence conditionnés par l’exequatur

1. Les effets de la sentence indépendants de l’exequatur

Les effets de la sentence, qui ne sont pas conditionnés par une procédure d'exéquatur, sont :

• La force décisoire
• L’autorité de la chose jugée et la reconnaissance de cette autorité

a) La force décisoire

La force décisoire signifie que la sentence dessaisit l’arbitrage du litige tranché. Le dessaisissement de l’arbitre est une conséquence logique de la notion même de sentence. Signalons qu’une sentence tranche totalement ou partiellement un litige et ainsi que toutes les sentences, même partielles soit – elles, étaient définitives puisqu’elles entraînent un dessaisissement du tribunal arbitrale dans les limités du litige tranché. Le dessaisissement de l’arbitrale se produit même si la sentence fait l’objet d’un recours en annulation et est annulée à la suite de ce recours.

Nous pouvons nous interroger sur le moment ou la sentence opère le dessaisissement du tribunal arbitral. Théoriquement, la force décisoire est attachée à la prise de décision des arbitres. En pratique cependant, tant que la sentence n’a pas été portée à la connaissance des parties, elle peut être modifiée par les arbitres, s’ils sont tous d’accord pour les réviser et si le délai d’arbitrage n’a pas expiré. Ajoutons aussi que la sentence arbitrale peut être remplacée par une autre sentence à condition que toutes les parties soient d’accord pour opérer cette substitution car la nullité de la sentence qui résulte du dessaisissement des arbitres n’est pas d’ordre public.

a) L’autorité de la chose jugée et la reconnaissance

L’autorité de la chose jugée dont est revêtue la sentence est affirmée par l’article 23 de l’acte uniforme sur l’arbitrage. Cet article dispose que « la sentence arbitrale a, dès qu’elle est rendue, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’elle tranche ». L’article 27 du règlement d’arbitrage de la CCJA prévoit, quant à lui, que les sentences arbitrales rendues sur la base du règlement « ont l’autorité définitive de la chose jugée sur le territoire de chaque Etat partie, au même titre que les décisions rendues par les juridictions de cet Etat ». En outre, l’autorité de la chose jugée a un caractère relatif puisqu’elle ne lie que les parties au litige. Les dispositions sur l’autorité de la chose jugée doivent être combinées avec celles qui portent sur la reconnaissance des sentences arbitrales. La reconnaissance d’une sentence arbitrale ou d’un jugement étranger signifie la reconnaissance par le juge ou l’autorité publique de l’autorité de la chose jugée de la sentence arbitrale ou du jugement étranger. La reconnaissance de l’autorité de la chose jugée ne nécessite pas une procédure d'exéquatur. Le juge ou l’autorité publique devant laquelle on invoque l’autorité de la chose jugée de la sentence arbitrale va s’assurer que la sentence remplit les conditions de fond de la reconnaissance qui, logiquement, doivent être les mêmes que les conditions de fond de l’exequatur.

La reconnaissance d’une sentence arbitrale peut être compliqué plus que l’exequatur, voilà pourquoi il vaut mieux invoquer directement la force exécutoire de la sentence et requérir, à cet effet, son exéquatur.

1. Les effets de la sentence conditionnés par l’exequatur

La force exécutoire de la sentence est conditionnée par une procédure de l’exequatur.

Une fois rendue, la sentence est obligatoire. Elle ne peut donner lieu à des mesures d’exécution forcée qui requièrent la mise en ?uvre de la contrainte publique. Ceci s’explique par le fait que l’arbitre, à la différence du juge étatique, n’a pas d’impérium.

La sentence arbitrale ne peut donner lieu à des mesures qui mettent en mouvement de la force publique que lorsqu’elle a été revêtue de la formule exécutoire.

Cette apposition de la formule exécutoire sur la sentence suppose que celle – ci ait été exequaturée au terme d’une procédure où le juge, saisi de l’exequatur, va vérifier que la sentence remplit certaines conditions de fond. La sentence arbitrale peut évidement être exécutée volontairement. Son exécution qui découle du caractère obligatoire de la sentence ne nécessite, alors, pas d'exéquatur.

Le tribunal arbitral peut accorder l’exécution provisoire (Art 24 AU.A.). Celle – ci ne peut cependant pas être prononcée d’office ; il faut qu’elle ait été sollicitée. Lorsque l’exécution provisoire a été demandée, l’arbitre peut la refuser par une décision motivée.

L’exequatur dans son double aspect de procédure et de conditions de fond varie selon que la sentence est une sentence rendue sur le fondement des règles de l’acte uniforme du 11 mars 1999, ou une sentence rendue sur la base du règlement d’arbitrage de la CCJA. L’article 34 de l’acte uniforme soumet au droit conventionnel les sentences non rendues sur la base des règles de l’acte uniforme à une reconnaissance ou à l’exequatur dans un Etat de l’OHADA lié par une convention internationale ayant pour objet la reconnaissance et l’exequatur des sentences arbitrales étrangères. Il faut donc envisager la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales dans le droit conventionnel.


 3. Étude comparative sur les effets de la sentence arbitrale en droit congolais et en droit ohada

Deux ces deux droits : congolais et ohada, il ressort des convergences et des divergence entre les effets de la sentence arbitrale.

1. Les points de convergence

S’agissant des points de convergence, nous avons :

a) Les dessaisissements des arbitres ou la force décisoire :

Concernant ce point, nous avons dit que la sentence arbitrale dessaisit l’arbitre du litige tranché quelque soit la manière dont ce litige est tranché, c’est – à – dire qu’il soit tranché totalement ou partiellement, la sentence qui en résulte est définitive puisqu’elles entraînent un dessaisissement du tribunal arbitrale dans les limités du litige tranché.


a) L’autorité de la chose jugée

Nous avons vus que l’autorité de la chose jugée avait un caractère relatif puisqu’elle ne lie que les parties au litige en vertu du principe de la relativité des actes juridique.

Nous avons ajoutés que cette autorité voulait dire que ce qui a été juger par les arbitres sous réserve de la triple identité, c’est – à – dire de mêmes demandes, même cause et mêmes parties, ne pouvait plus être rejugé par les autres arbitres ou même par une juridiction étatique.

Pour terminer ce premier point de notre dernière section, nous rappelons qu’une sentence ne peut faire l’objet d’une exécution forcée que s’il a déjà reçu l’exequatur du juge étatique compétent.

1. Les points de divergence

En revanche, s’agissant des points de divergences, nous notons :

• En droit OHADA, il y a deux classifications des effets de la sentence arbitrale qui sont : les effets de la sentence conditionnés par l’exequatur et les effets de la sentence indépendants de l’exequatur.
• Dans le droit OHADA, la force exécutoire est considérée comme un effet conditionné par l’exequatur, tandis qu’en droit congolais elle n’est pas considérée comme un effet proprement dit de la sentence arbitrale.
• Le système OHADA, même si l’arbitre est déjà dessaisit, il a néanmoins le pouvoir d’interpréter la sentence, ou de réparer les erreurs ou omissions matérielles qui l’affectent .

Il ajoute encore que lorsqu’il a omis de statuer sur un chef de demande, il peut le faire par une sentence additionnelle, lorsque ces erreurs ou omissions sont purement matérielles et n’affectent en rien le fond de la sentence.
 Conclusion

Comme procédure pour la solution des litiges, bon nombre d’avantages sont attribués à l’arbitrage : la célérité de la procédure, son caractère particulièrement approprié pour les litiges de commerce international ; la qualification spécifique des arbitres pour trancher les litiges d’ordre technique et la prévention contre l’arrière judiciaire.

Ainsi, nous avons constaté que la fonction de juger n’appartient plus, en monopole, aux juridictions étatiques. C’est le principe de la diversification de compétence juridictionnelle qui conduit à faire place, à coté des institutions publiques des jugements, à une institution privée à laquelle le pouvoir est reconnu de trancher à travers une sentence arbitrale qui a l’autorité de la chose jugée comme l’aurait un jugement rendu par les cours et tribunaux de l’Etat.

La sentence arbitrale est une décision des arbitres mettant fin définitivement aux différends qui leur sont soumis et que la sentence dessaisit l’arbitre du litige tranché.

Dans les systèmes OHADA, la cour commune de justice et d’arbitrage joue un rôle important car ce sous ses auspices qu’est organisé un arbitrage institutionnel. Cette cour a des attributions d’administration des arbitrages et des fonctions juridictionnelles. Elle connaît des recours en annulation en matière d’arbitrage ; et, elle constitue en fait, un centre d’arbitrage à part entière. Cela où se trouve l’innovation du droit OHADA en matière d’arbitrage.

Au regard de tous ces éléments, il y a lieu de reconnaitre que l’état actuel du droit congolais d'arbitrage, laisse à désirer. Il faut, pensons-nous, de façon générale moderniser ce droit afin de l’adapter aux contingences de l'évolution et de la mondialisation.

La qualité de commerçant en droit congolais et en droit issu de l’OHADA

PAR
BIA BUETUSIWA
Avocat au Barreau de Kinshasa/Gombe
Assistant-Chercheur à l’Université de Kinshasa (CRIDHAC)
Diplômé de 2ème cycle en Ethique des Droits de l’homme de l’Université de Nantes
Master (M2) en Droit international et comparé de l’environnement de l’Université de Limoges



INTRODUCTION

A l’occasion d’une réunion avec le comité Afrique du MEDEF (patronat français), le 3 février 2004, le Président de la République démocratique du Congo (RDC) a annoncé la prochaine et certaine adhésion de la RDC à l’Organisation pour l’harmonisation du Droit des affaires en Afrique (OHADA). En date du 11 février 2011, le Président de la République a promulgué la loi autorisant l’adhésion de la RDC à l’OHADA après comme il se doit, adoption dans les deux chambres du Parlement et avis conforme de la Cour Suprême de Justice de la RDC . A présent, il reste au gouvernement de la République de déposer les instruments de ratification au Secrétariat de l’OHADA à Dakar, pour que l’application du Droit issu de l’OHADA devienne effective en RDC. Peut-être qu’au moment où vous lirez cet article, la République démocratique du Congo sera devenu une terre « OHADA ». Dès lors l’intérêt d’une telle étude ne se justifie que pleinement.
Le feu KEBA MBAYE a dit de l’OHADA qu’il « est un outil juridique imaginé et réalisé par l’Afrique pour servir l’intégration économique et la croissance » . En effet, a-t-il poursuivit , convaincus que la méfiance des opérateurs économiques manifestée par le ralentissement des investissements en Afrique avait pour origine « la trop grande variété des règlementations et des solutions des différends applicables au droit des affaires », source d’une véritable « insécurité juridique et judiciaire », plusieurs chefs d’état d’Afrique ont décidé l’instauration d’ « un nouveau droit qui soit moderne et harmonisé, interprété par des magistrats bien préparés en matière de droit des affaires et appliqué en dernière ressort par une juridiction supranationale unique ».
Chargé de concrétiser ce projet, l’Organisation pour l’harmonisation du Droit des affaires, OHADA en sigle a vu le jour le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Ile Maurice) du Traité relatif à l’harmonisation du Droit des affaires en Afrique. Avec pour mission de favoriser au plan économique, le développement et l’intégration régionale ainsi que la sécurité juridique et judiciaire, elle compte à ce jour 16 pays membres d’Afrique de l’Ouest et du Centre, sans compter la RDC en instance d’adhésion. Elle a pour objectifs : de doter les Etats parties d’un même Droit des affaires simple, moderne et adapté à la situation de leurs économies ; de promouvoir l’arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels ; et de concourir à la formation des magistrats et des auxiliaires de justice .
L’OHADA ayant pour vocation de légiférer dans tous les secteurs des affaires et même d’en dépasser le cadre classique , elle élabore les actes uniformes, qui, adoptés par le Conseil des Ministres de l’OHADA constituent des règles communes applicables immédiatement sur le territoire des Etats membres .
Actuellement, huit actes uniformes sont entrés en vigueur. Ils sont relatifs au droit commercial ; au droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique ; au droit des sûretés ; aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; à la procédure collective d’apurement du passif, au droit d’arbitrage ; à la comptabilité des entreprises ; aux contrats de marchandises par route. Le 15 décembre 2010, au moment de la reforme des actes uniformes relatifs au droit commercial général et au droit des sûretés, il a été adopté un acte uniforme relatifs aux sociétés coopératives .
Nombreuses ont été les pressions politiques et du monde des affaires qui ont œuvré à une adhésion rapide de la RDC à l’OHADA. Des scientifiques ont pris le relais et ont clamé que le droit des affaires congolais était obsolète, lacunaire et inadapté à la nature contemporaine des affaires et victimes des humeurs du législateur . Pour les partisans de l’adhésion, ce droit méritait une réformation complète et prendrait un coup de jeune avec l’OHADA. Face à eux, les défenseurs du droit congolais ont soutenu que le droit congolais avait une histoire, un enracinement qui valait le respect. Selon eux, s’il fallait reconnaître les carences du droit congolais, OHADA était une mauvaise réponse à une bonne question. Il mettrait en danger l’indépendance de la RDC, avec ce droit importé, étranger, élaboré uniquement pour les intérêts des investisseurs.
Notre sujet ici n’est pas de trancher cette polémique, qui par ailleurs risque de se trouver dans quelques semaines ou quelques mois, surannée. Cette brève étude n’est ni un panégyrique, un relevé flatteur des avantages à y adhérer, ni des réquisitions à charge contre OHADA. Elle se veut simplement un modeste outil de comparaison entre le droit congolais et le droit issu de l’OHADA dans une matière importante du droit des affaires. En effet, pour un particulier ou une entité soucieuse de faire des affaires, la question de sa commercialité est cruciale car elle détermine plusieurs conséquences juridiques, entre autres fiscales et juridictionnelles.
Pour les juristes congolais et ceux qu’intéressent OHADA, cette comparaison ne peut être que profitable et son importance pratique n’est pas à démontrer. Le droit OHADA sera demain le droit congolais (peut-être ?). Face à ce droit, nouveau dans son principe supranational et révolutionnaire dans certains de ces choix d’avant-garde, le droit congolais gagnerait certainement à s’y mirer et à s’y jauger avant de s’y plonger. Quitte à clamer sur certains points qu’il n’est pas aussi vieilli qu’on le dit.
A. La personne physique commerçante

Le droit congolais [A] et le droit issu de l’OHADA retiennent que le commerçant est celui qui fait profession d’actes commerciaux. Mais le droit issu de l’OHADA qui considère que cette profession doit être habituelle. Il est toutefois sur le point d’abandonner cet adjectif [B].
A. La qualité de commerçant pour une personne physique en droit congolais
Le commerçant est celui qui, sous certaines conditions, accomplit des actes de commerce (1). Ces actes de commerce sont énumérés par la loi (2). Mais encore faut-il avoir la capacité suffisante pour être commerçant (3) et ne pas souffrir d’interdictions ou d’incompatibilités (4).
(1 ) Le Principe
En RDC, c’est toujours le vieux décret du 2 mai 1913 sur les commerçants et la preuve des engagements commerciaux qui régit la qualité de commerçant. L’article premier de ce texte bientôt centenaire (pourvu qu’on lui prête vie) tranche d’emblée la question : « sont commerçants, ceux qui font profession des actes qualifiés de commerciaux par la loi ».
En droit congolais, « ce qui caractérise le commerçant, c’est la profession principale ou accessoire et non l’habitude de faire des actes réputés commerciaux » . La profession se définit comme « l’activité régulière exercée pour gagner sa vie » . Il importe donc que la personne physique, candidate commerçante pose, avec une certaine régularité, des actes de commerce et qu’il en fasse une source de revenus. La régularité ici est prise dans son sens de permanence et non d’habitude. En effet, l’intention du législateur ressort clairement des débats du Conseil colonial lors de l’adoption du texte : « l’habitude en effet, n’est pas suffisante pour acquérir la qualité de commerçant » .
Toutefois, la régularité n’est ni suffisante ni même nécessaire, car « on est commerçant dès l’instant où l’on s’établit comme tel, même avant d’accomplir habituellement des actes de commerce » . La personne physique qui s’établit en louant un local, en y achalandant des marchandises, en y plaçant une enseigne devient commerçante, même sans avoir posé le moindre acte de commerce. C’est également le cas d’un acquéreur d’un fonds de commerce qui devient commerçant dès l’ouverture de son magasin . Dans ce sens, il a été jugé qu’ « il suffit qu’une personne se montre prête à exercer le commerce pour que la qualité de commerçant lui soit immédiatement acquise » .
Pourtant, les mots « profession habituelle » terminait –et termine toujours- l’article premier du code de commerce belge qui a inspiré les rédacteurs de la loi congolaise. Ceux-ci ont vu la suppression du mot « habituelle », comme un progrès, une avancée du droit colonial (d’alors) sur le droit métropolitain (d’alors). Pour les raisons évoquées ci-haut, ils ont estimé que « le mot habituelle est donc inutile dans la définition » . Mais ce choix comporte une autre justification, « une raison d’harmonie entre la situation des individus et celle des sociétés. Une société est commerciale dès l’instant de sa constitution, avant de poser le moindre acte de commerce. Il en est de même des individus » .
Mais il n’est ni suffisant ni même nécessaire, d’accomplir des actes de commerce à titre de profession, pour être reconnu commerçant. En effet, la qualité commerciale de la société s’étend aux associés à responsabilité illimitée, sans qu’il ne soit besoin pour eux d’accomplir le moindre acte de commerce. Il s’agit des commandités dans une société à commandite simple et des associés d’une société à nom collectif.
(2 ) Pour être commerçant, il faut donc exercer à titre professionnelle des actes dits commerciaux par la loi. Mais encore, quels sont les actes que la loi dit commerciaux ?
L’article 2 de la loi précitée énumère lesdits actes et fait naître en droit congolais une querelle doctrinale entre ceux qui soutiennent qu’une telle énumération est limitative et les autres qui pensent le contraire.
Une partie de la doctrine a soutenu que « l’énumération avancée ne doit pas être considérée comme exhaustive, ce qui signifie que les tribunaux pourront qualifier d’actes de commerce, des actes ne figurant pas dans la liste des actes réputés commerciaux par la loi, telle qu’elle résulte de l’article 2 du décret du 2 août 1913» .
Le professeur LUKOMBE NGHENDA, par contre, avance que cette énumération légale est limitative. Selon lui, cette considération vient de ce que l’énumération congolaise ayant « été prise telle quelle de la législation métropolitaine belge » , il convient de tenir pour « constantes en droit congolais, les querelles jurisprudentielles et doctrinales menées en Belgique ou en France » sur ce sujet et la solution qui s’en est dégagé.
En Belgique, entre ceux qui expliquaient « qu’il était dangereux de vouloir enfermer l’infinie diversité des opérations commerciales dans le cadre d’une nomenclature trop rigide » et les autres, pour qui « il était dangereux, notamment au point de vue compétence, de ne pas spécifier nettement quels sont les actes de commerce ; que les tribunaux civils doivent rester juges de tous les actes des citoyens, à moins qu’une exception ne soit formellement exprimée dans la loi ; un autre régime risquerait de provoquer des contradictions dans la jurisprudence ; d’ailleurs (…) si l’énumération apparaissait incomplète dans l’avenir, il serait toujours possible d’y ajouter d’autres actes », c’est la seconde tendance qui l’emporta : « désormais, il n’y aura d’actes commerciaux que ceux qualifiés par la loi » .
Cette position est également la nôtre. En effet, l’analyse de l’article premier qui dispose que la commercialité dépend des actes qualifiés de commerciaux par la loi, laisse à penser outre l’argument ci-haut, qu’il était du vœu du législateur de se réserver la qualification commerciale des actes.
Si ce caractère limitatif exclut l’interprétation analogique, la doctrine est d’avis tout de même que cette interprétation doit être large .
(3 ) La capacité de la personne pouvant exercer le commerce
Seules les personnes jouissant d’une pleine capacité civile ont le droit d’exercer le commerce. Ce qui exclut les mineurs, les majeurs aliénés interdits, et les majeurs faibles d’esprit, prodigues, affaiblis par l’âge ou infirmes placés sous curatelle.
Le décret précité de 1913 érige une exception en faveur des mineurs émancipés, en son article 13, en disposant que « Tout mineur émancipé de l’un ou de l’autre sexe peut faire le commerce et est réputé majeur quant aux engagements contractés par lui pour faits de commerce, à la condition qu’il y ait été préalablement autorisé par la personne qui exerçait sur lui l’autorité paternelle ou tutélaire ». Il s’en est déduit longtemps que le mineur émancipé, dûment autorisé par ses père et mère ou son tuteur exerce valablement le commerce.
Mais ces dispositions doivent être mises en rapport avec celles des articles 292 et 293 du code de la famille, « art. 292 : … toutefois, lorsque l’émancipation est accordée par une décision judiciaire, le tribunal peut apporter certaines limitations à la capacité. Art. 293. — Le mineur émancipé par décision judiciaire ne peut passer les actes pour lesquels il est reconnu incapable qu’avec l’assistance d’un curateur ». Il s’ensuit que si les limitations du juge qui a accordé l’émancipation ne permettent pas au mineur d’exercer le commerce, il ne peut l’exercer. Toutefois, nous pensons qu’une fois qu’il a été autorisé par la personne qui exerce l’autorité parentale ou tutélaire à exercer le commerce, le mineur n’a pas besoin pour chaque acte qu’il pose, d’une nouvelle autorisation ni d’une assistance quelconque du curateur. En effet, cette interprétation est conforme à la nature des affaires et justifiée par le fait que le curateur autorise le mineur émancipé au moment de l’entreprise de l’activité commerciale, et qu’il existe ainsi, une présomption d’autorisation des actes qu’il posera dans le cadre de cette activité professionnelle.
Le mariage d’enfants étant interdit , les dispositions de l’article 288 du code de la famille sur l’émancipation légale sont désormais caduques.
La femme mariée a, encore à ce jour, en droit congolais, une capacité limitée. En effet, selon l’article 448 du code de la famille, « la femme doit obtenir l’autorisation de son mari pour tous les actes juridiques dans lesquels elle s’oblige à une prestation qu’elle doit effectuer en personne ».
Il est donc nécessaire, suivant article 4 du décret du 2 août 1913, pour la femme mariée congolaise désirant exercer le commerce d’obtenir l’autorisation préalable de son mari. Toutefois cette autorisation maritale n’est soumise à aucune formalité ni publicité. Par contre, son retrait doit résulter d’une déclaration faite devant un magistrat ou un notaire . En cas d’absence, de démence ou d’interdiction du mari, le tribunal est habilité à autoriser à la femme mariée l’exercice du commerce. Le tribunal peut également accorder cette autorisation en cas de refus injustifié du mari.
L’illustration du caractère suranné de ces obstacles au plein exercice par la femme de sa capacité résidait dans la lecture de l’alinéa 3 de cet article 4 précité : « en cas de minorité du mari, celui-ci ne peut autoriser sa femme à faire le commerce qu’après avoir été autorisé lui-même ». En fait, dans ce cas, la femme mariée, qui pouvait être majeur, était autorisée à exercer le commerce par les parents ou le tuteur de son mari ! Heureusement que l’interdiction du mariage des mineurs va rendre cette disposition désuète.
Le mineur non émancipé ne pouvant être commerçant, il ne peut non plus être associé dans une société qui lui confère une responsabilité illimitée.
(4 ) Le régime d’incompatibilités et autres interdictions
Pour se voir reconnaître la qualité de commerçant, encore faut-il ne souffrir d’aucunes interdictions liées à l’exercice du commerce.
En effet, aux titulaires de certaines fonctions est interdit le cumul de leurs fonctions et l’exercice du commerce . Il s’agit des avocats (article 58 de l’Ordonnance-Loi n°79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’État) ; des magistrats ( article 66 de la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats) ; des fonctionnaires (article 53 de la Loi n°81-003 du 17 juillet 1981 portant statut du personnel de carrière des services publics de l’État).
De même, certaines personnes peuvent se voir déchues du droit d’exercer le commerce, il s’agit entre autres des celles ayant fait l’objet, les cinq dernières années, de condamnations pénales de plus de trois mois prononcées à leur encontre à la suite notamment « d’infractions d’argent » ou de celles portant atteinte à la foi publique . Les personnes déclarées en faillite et non encore réhabilitées sont également déchues du droit d’exercer le commerce. Ces interdictions sont déduites de l’article 17 du décret du 6 mars 1951 sur l’institution du Registre du commerce qui interdit l’immatriculation de ces personnes. Toutefois, les mêmes dispositions prévoient que ces dernières peuvent obtenir l’autorisation du tribunal pour pouvoir se faire immatriculer, donc exercer à nouveau le commerce.
Les personnes interdites d’exercer le commerce ne peuvent pas non plus être associées à responsabilité limitée, car cette situation leur confèrerait la qualité de commerçant.
Notons que selon l’article 4 du décret précité, les tiers peuvent se prévaloir de la qualité de commerçant de toute personne non immatriculée faisant profession d’actes qualifiés commerciaux par la loi.
B. La qualité de commerçant pour une personne physique en droit OHADA
Au moment de la rédaction du présent article, vient d’être adopté, puis publié, un nouvel Acte uniforme sur le droit commercial général, adopté le 15 décembre 2010 et publié le 15 février 2011 au Journal Officiel de l’OHADA, et qui entrera en vigueur le 16 mai 2011. Il est probable qu’au moment de la publication de l’article, ce nouvel acte sera entré en vigueur ou proche de l’être. Pour les besoins d’analyse, nous présenterons l’état actuel du droit OHADA et les innovations apportées par le nouvel Acte uniforme.
L’Acte uniforme du 17 avril 1997 , retient la profession habituelle des actes de commerce comme critère de détermination de la qualité de commerçant tandis que le nouvel acte du 15 décembre 2010 prend en compte les critiques, en enlevant l’adjectif « habituel » (1). L’énumération des actes de commerce dans les deux actes, plus modernes que celle du droit congolais, n’est pas exhaustive. (2). Ils laissent la capacité d’exercer le commerce, réglée par les droits internes non communautaires (3) mais semblent plus stricts que le droit congolais en matière d’interdictions et d’incompatibilités (4).
(1 ) Le principe
L’Acte uniforme relatif au droit commercial général du 17 avril 1997 « n’innove pas dans la définition qu’il donne du commerçant » . En effet, l’article 2 de cet Acte reprend la définition en vigueur dans les droits nationaux et empruntée au droit français : « sont commerçants, ceux qui accomplissent des actes de commerce, et en font leur profession habituelle ».
Il maintient l’expression « profession habituelle » que le droit congolais a refusé d’emprunté au droit belge. L’absence des travaux préparatoires rend malaisée l’analyse de l’intention des rédacteurs de l’Acte. Néanmoins, pour les raisons développées au sujet de l’abandon du mot « habituelle » dans le texte du décret du 2 août 1913, notons que sur ce point cet acte aurait gagné à emprunter l’avancée du droit congolais .
Mais cette lacune est réparée par l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 sur le droit commercial général. En effet, son article 2 dispose : « Est commerçant celui qui fait de l’accomplissement d’actes de commerce par nature sa profession ».
(2 ) Les actes de commerce
L’Acte uniforme du 17 avril 1997 a soigneusement évité l’épineuse question de la définition de l’acte de commerce. Avec le pragmatisme qui a caractérisé traditionnellement les législations précédentes, elles s’est attelée à donner une liste d’actes de commerce, plutôt que donner un critère ou plusieurs critères susceptibles de permettre de reconnaître un acte de commerce, surtout que la définition qu’il propose est non exhaustive. Aussi, avait-t-elle manqué là, estimait la doctrine, l’occasion d’ « une construction cohérente et légale d’une définition légale de l’acte de commerce à partir de laquelle une théorie générale nouvelle ou ancienne, mais repensée, aurait pu émerger » .
Cette critique ne paraît plus, en ce jour, de saison. Car, l’article 3 de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 donne une définition de l’acte de commerce. Selon cette disposition, « l’acte de commerce par nature est celui par lequel une personne s’entremet dans la circulation des biens qu’elle produit ou achète ou par lequel elle fournit des prestations de service avec l’intention d’en tirer un profit pécuniaire ». Cette définition n’échappera certainement pas au feu de nouvelles critiques. Si dans sa première branche, elle correspond plus ou moins à la thèse de THALLER, qui caractérisait l’acte de commerce par le fait de s’interposer entre l’acte de production et l’acte de consommation , dans sa deuxième branche, elle tente de pallier les limites de cette théorie, en y adjoignant les actes de commerce constituant un service et en retenant comme critère central, la notion de lucre. Hélas, ce critère souffrira des critiques qui lui sont habituelles car la recherche de lucre n’est pas l’apanage du commerçant.
Enfin de compte devant la difficulté, la plupart des législations anciennes ou modernes ont renoncé à la tâche, si malaisé de définir l’acte de commerce. Le mérite du droit OHADA est d’avoir tenu à s’y essayer. Mais le résultat est loin de satisfaire aux buts poursuivis. Ces buts sont de permettre, dans un système où la liste des actes de commerce n’est pas limitative, d’avoir un critère clair pour reconnaître un acte de commerce.
La solution est peut-être celle retenue par le droit congolais : une liste limitative et absence de définition . Mais pour éviter les risques de rigidité y ajouter deux autres éléments : un réexamen régulier de la liste et une interprétation non stricte de la liste par les juges. Ce serait le triomphe de l’empirisme qui a toujours caractérisé le droit des affaires depuis ses origines.
Comme susdit, l’énumération des actes de commerce en droit OHADA n’est pas exhaustive. En effet, l’article 3 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général (aussi bien celui de 1997 que celui de 2010) introduit sa liste par le mot « notamment ». Le pouvoir est donc reconnu au juge de décider pour chaque acte non repris dans la liste énonciative de l’acte, s’il est commercial ou non. Ce pouvoir du juge, outre les inconvénients liés à des risques de contrariété de décisions judiciaires, n’est pas sans créer une certaine insécurité juridique : tel acte qualifié de civil par tel tribunal sera dit commercial par tel autre, surtout que doctrine et jurisprudence ne sont à ce jour pas d’accord sur le(s) critère(s) de la commercialité des actes. Et ce n’est pas la définition de l’acte de commerce porté par la dernière reforme OHADA qui résoudra la question.
A l’actif du droit OHADA, il convient de souligner que l’énumération des actes de commerce y consignée prend en compte les avancées modernes que le vieux décret congolais de 1913 ignore. Il s’agit par exemple de la vente d’immeubles en vue de leur revente qui est commercial en droit OHADA, mais que la législation congolaise exclut formellement du champs d’application du droit commercial. Le rapport du Conseil colonial, rédacteur du décret, est à ce propos, sans équivoque : « l’achat ou la location d’immeubles en vue de les revendre, de les louer ou de les relouer est un acte civil et reste un acte civil dans le système du projet. Par conséquent, un particulier non commerçant qui se livre à des spéculations immobilières ne devient pas commerçant et les spéculations immobilières d’un commerçant sont des actes civils » .
En l’occurrence, le droit OHADA s’est inspiré des avancées des législations françaises, belges et de plusieurs africaines, qui ont introduit la spéculation immobilière parmi les actes de commerce . Rien ne justifie plus que la RDC se maintienne dans une position que nos inspirateurs belges et français ont eux-mêmes abandonné depuis belle lurette. Voilà un point sur lequel le changement ne viendrait pas trop tôt, en cas d’entrée en vigueur d’OHADA, ou de toute autre reforme du droit congolais dans ce sens.
(3 ) La capacité d’exercer le commerce
« Nul ne peut accomplir des actes de commerce à titre de profession habituelle, s’il n’est juridiquement capable », dispose l’article 6 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 (Le nouvel Acte uniforme enlève l’adjectif « habituelle »). Le droit OHADA n’ayant pas réglementé la capacité des personnes, c’est le droit national qui s’applique, sauf les dispositions particulières contenues dans l’acte uniforme.
Selon l’article 7 du même Acte, le mineur ne peut avoir la qualité de commerçant ni effectuer des actes de commerce, sauf s’il est émancipé. A notre avis, cette disposition s’oppose à des dispositions plus restrictives du droit national. Ainsi, si le droit OHADA devenait applicable en RDC, l’autorisation du parent ou du tuteur ne serait plus exigée et le pouvoir du juge de restreindre la capacité du mineur émancipé quant à l’exercice du commerce sera aboli. En effet, la lecture a contrario de l’article 7 alinéa 1er précité donne « lorsqu’il est émancipé, le mineur peut exercer le commerce ». Il se comprend qu’il est reconnu au mineur émancipé un droit, et toute disposition du droit national qui soumettrait ce droit à des restrictions non prévues par le droit OHADA, serait contraire au droit OHADA et donc inapplicable en vertu de l’article 1er alinéa 2 de l’Acte Uniforme précité.
En droit OHADA, le mineur ou toute autre incapable ne peuvent être associés dans une société qui leur conférerait la qualité de commerçant. En droit congolais, seul le mineur non émancipé et les autres incapables souffrent de cette interdiction. En droit OHADA, le texte n’ayant pas distingué entre mineur émancipé et mineur non émancipé, il y a lieu de retenir que même le mineur émancipé ne peut faire partie d’une société qui lui confère la qualité de commerçant. Ce qui aboutit à un non-sens car le mineur émancipé peut être commerçant mais ne peut pas être associé à responsabilité illimitée.
L’alinéa 2 de l’article 7 précité dispose que « le conjoint d’un commerçant n’aura la qualité de commerçant que s’il accomplit les actes visés aux articles 3 et 4 ci-dessus, à titre de profession habituelle et séparément de ceux de son époux » (le nouvel Acte uniforme enlève « habituelle »). Une doctrine a estimé que pouvait se déduire de cette disposition que « la femme n’a pas besoin de l’autorisation de son mari, même si cette condition existe dans les dispositions relatives au mariage dans son pays » . Nous ne partageons pas cette opinion. En effet, la rédaction de l’article nous fait penser que cette disposition érige des conditions pour que le conjoint d’un commerçant (homme ou femme) puisse se voir reconnu la qualité de commerçant. Il (elle) doit exercer des actes de commerce, à titre professionnel, et de manière séparée. Mais ces conditions nécessaires ne sont pas suffisantes. En dehors d’elles, toutes autres conditions qui viendraient du droit national, ne serait pas contraire au droit OHADA et donc applicable. Nous soutenons donc qu’en cas de mis en application du droit OHADA en RDC, la femme mariée sera toujours soumise au régime de l’autorisation en ce qui concerne l’exercice du commerce. Cette disposition des Actes uniformes vise à clarifier la situation de confusion qui peut résulter de l’accomplissement conjoint par les époux des actes de commerce, en précisant que dans ce cas seul l’un des époux aura la qualité de commerçant, et non pas énumérer limitativement les conditions selon lesquelles toute femme mariée pourra se voir reconnu la qualité de commerçant. Par ailleurs, comment peut-on déduire d’une règle destinée au conjoint du commerçant, dont la femme mariée au commerçant, une règle applicable à toute femme mariée ?
Mais il est évident que les restrictions dont souffrent la femme mariée en droit congolais sont d’un autre âge et le mérite du droit OHADA, s’il n’empêche pas l’application des dispositions plus restrictives relevant des droits nationaux et de n’avoir pas lui-même, prévu de dispositions discriminatoires.
(4 ) Le régime d’incompatibilités et autres interdictions
Le droit OHADA prescrit des incompatibilités à l’exercice du commerce. Selon l’article 9 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997(la reforme de 2010 ne modifie pas ces dispositions), l’exercice du commerce est incompatible avec les fonctions ou professions de fonctionnaires et personnels des collectivités publiques et des entreprises à participation publique ; officiers ministériels et auxiliaires de justice : avocat, huissier, commissaire priseur, agent de change, notaire, greffier, administrateur et liquidateur judiciaire ; expert comptable agréé et comptable agréé, commissaire aux comptes et aux apports, conseil juridique, courtier maritime ; et plus généralement, toute profession dont l'exercice fait l'objet d'une réglementation interdisant le cumul de cette activité avec l'exercice d'une profession commerciale. Les incompatibilités en droit OHADA sont plus nombreuses qu’en droit congolais.
Selon le droit OHADA (la reforme de 2010 n’a pas modifié cette disposition de l’article 10), nul ne peut exercer une activité commerciale, directement ou par personne interposée, s'il a fait l'objet d'une interdiction générale, définitive ou temporaire, prononcée par une juridiction de l'un des États parties, que cette interdiction ait été prononcée comme peine principale ou comme peine complémentaire ; d'une interdiction prononcée par une juridiction professionnelle ; dans ce cas, l'interdiction ne s'applique qu'à l'activité commerciale considérée ; d'une interdiction par l’effet d’une condamnation définitive à une peine privative de liberté pour un crime de droit commun, ou à une peine d'au moins trois mois d'emprisonnement non assortie de sursis pour un délit contre les biens, ou une infraction en matière économique ou financière.
Le droit OHADA est plus sévère que le droit congolais, car pour solliciter la levée de l’interdiction, l’interdit doit attendre cinq ans . Mais comme en droit congolais, les tiers de bonne foi peuvent se prévaloir d’actes accomplis par les interdits, qui eux ne peuvent pas les opposer aux tiers .
Alors que le droit congolais prescrit que les personnes interdites d’exercer le commerce (déchéance ou incompatibilité) ne peuvent pas être associées dans une société qui leur confère la qualité de commerçant, le droit OHADA est plus stricte encore : ces personnes ne peuvent pas être associées dans aucune société commerciale ! Si le droit OHADA devenait applicable en RDC, les avocats, fonctionnaires et autres interdits de commerce, actionnaires ou associés devront céder leurs parts sociales !
B. La personne morale commerçante

En droit congolais comme en droit OHADA, une personne morale commerçante est nécessairement une société. Mais le droit congolais actuel a fait le choix exclusive de la commercialité par la forme [A] alors que le droit OHADA a combiné la commercialité pas la forme et celle par l’objet [B].
A. La personne morale commerçante en droit congolais
En droit congolais, la qualité de commerçant de la personne morale résulte de la lecture combinée de l’article 3 du décret du 2 août 1913, « sont commerciales, et soumises aux règles du droit commercial, toutes les sociétés à but lucratif, quel que soit leur objet, qui sont constituées dans les formes du code de commerce » ; et de l’article 1er alinéa 2 du décret du 23 juin 1960, « la loi reconnaît comme sociétés commerciales : la société en nom collectif (SNC), la société en commandite simple (SCS), la société privée à responsabilité limitée (SPRL), la société par action à responsabilité (SARL), la société coopérative (SC). »
Le droit congolais a donc fait le choix de la commercialité par la forme. En effet, il existe deux principes de solution pour distinguer les sociétés civiles et les sociétés commerciales. Soit, il est pris en compte leur objet, c’est le cas de la plupart des législations étrangères qui considèrent que la société est commerciale lorsqu’elle effectue, d’après ses statuts des opérations qui sont des actes de commerce. Soit, c’est sa forme qui importe, auquel cas la société est commerciale lorsqu’elle est constituée selon des formes auxquelles la loi attache le caractère commercial. En droit congolais, seule compte la forme. N’est pas justifié l’opinion doctrinale selon laquelle « sont civiles les sociétés qui, d’une part, ont adopté une forme autre que celles qui sont prévues par le code de commerce, (…) et qui d’autre part, ont un objet civil » . A l’en croire, en effet, une société même constituée dans une forme autre que commerciale mais qui aurait un objet commercial, serait commerciale. Cette position est indéfendable. Les dispositions précitées sont d’ordre public et impératives.
Il est curieux que l’article 3 précité exige de la société qui se veut commerciale, en plus du choix d’une des formes commerciales, « le but lucratif ». Pareille condition est superfétatoire, une société par définition poursuit la réalisation d’un bénéfice. Ceci est encore plus clair depuis l’introduction en droit congolais d’une définition légale de la société qui inclut la recherche de bénéfice .
Mais ce pléonasme était voulu par les rédacteurs qui le justifie : « cette expression est voulue ainsi, malgré son inélégance juridique, afin d’exclure clairement du bénéfice de cet article de nombreuse sociétés qui bien que constituées sous une forme commerciale n’en sont pas moins des sociétés de bienfaisance, d’enseignement, d’agrément, etc. la disposition vise exclusivement les sociétés dont le but de lucre est incontestable » .
Dès lors, le juge jouit-il d’une liberté d’appréciation ? La condition de la forme, bien que nécessaire, est-elle insuffisante ? Le juge a-t-il la liberté d’apprécier l’existence du but de lucre et éventuellement exclure du bénéfice de la commercialité une société constituée dans une forme commerciale, mais dont le but lucratif est sujet à doute ? La réponse me paraît positive. En effet, un juge qui aboutit à la conclusion, qu’au regard de ses statuts, la société ne vise pas le lucre, devra, dès l’abord, sur base de l’article 446.1, titre V bis du code civil congolais livre III qui définit la société comme « est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter », en prononcer l’inexistence. Mais cette inexistence ne vaudra que pour l’avenir. Pour son passé, il devra dire que la société n’était pas commerciale. Certes la disposition visée est malheureuse, mais elle existe, et tant qu’elle subsistera, il faudrait envisager cette possibilité incongrue.
Les entreprises publiques congolaises régis par la Loi n°78-002 du 6 janvier 1978 portant dispositions générales applicables aux entreprises publiques, et qualifiées pas la doctrine d’établissement public industriel et commercial (EPIC) n’existent plus. La doctrine et la jurisprudence congolaise sont unanimes sur le fait que les défuntes entreprises publiques n’étaient pas commerçantes au regard de la loi congolaise . La loi n°08/007 du 7 juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques a décidé que les entreprises publiques congolaises seraient transformées soit en société commerciale, soit en établissement public, soit en service publique non personnifié. Les sociétés issues de cette transformation ont la qualité de commerçant car elles sont nécessairement constituées en forme de SARL (de droit congolais) selon l’article 5, alinéa 1er de la loi précitée .
B. La personne morale commerçante en droit OHADA
« Le caractère commercial d’une société est déterminée par sa forme et son objet », dispose l’article ¬6, al.1 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif aux sociétés commerciales et GIE précité. Le droit OHADA retient le principe d’une commercialité par la forme ou par l’objet.
(1 ) La commercialité par la forme
« Sont commerciales, à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif (SNC), les sociétés en commandite simple (SCS), les sociétés à responsabilité limitée (SARL) les sociétés anonymes (SA) » . La commercialité est acquise à ces quatre types de société qui par ailleurs se retrouvent aussi en droit congolais, et en la même nature commerciale. En effet, le droit congolais tient également pour commerciales les sociétés en commandite simple et celles en nom collectif. Par ailleurs, la SA du droit OHADA est l’équivalent de la SARL de droit congolais, alors que la SARL de l’OHADA est le sosie de la SPRL congolaise.
L’Acte uniforme ignore la société coopérative dans son énumération des formes commerciales, contrairement au droit congolais.
(2 ) La commercialité par l’objet
« La commercialité par l’objet suppose que la société accomplit, conformément à l’article 2 (définition du commerçant) et à l’article 3 (énumération des actes de commerce) de l’Acte uniforme portant droit commercial général, des actes de commerce et en fait profession habituelle » . Ainsi, la société est commerciale, lorsque, même constituée dans une forme autre que les formes commerciales, elle accomplit des actes de commerce à titre de profession habituelle. Le mot « habituelle » devenant obsolète à l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant au droit commercial général.
En droit congolais, la commercialité par la forme est exclue. Le critère unique est formel. Ce choix a le mérite de la simplicité. Les opérateurs économiques qui désirent faire échapper leurs sociétés à la commercialité, sont sûrs d’atteindre leur but, une fois les formes commerciales évitées. Tandis que dans l’espace OHADA, des associés ayant sciemment éviter les formes commerciales et pris pour objet des activités n’entrant pas dans la liste légale des actes de commerce, peuvent se voir, tout de même, attribuer la qualité de commerçant, en application de la commercialité par l’objet renforcée par la non exhaustivité de la liste des actes de commerce. Si le système retenu par le droit OHADA a le mérite du réalisme, le choix du droit congolais présente une plus grande sécurité juridique pour les hommes d’affaire.
Les sociétés constituées selon les formes du droit privé sont commerçantes soit selon leur forme, soit selon leur objet, « peu importe que l’Etat soit associé unique ou associé avec d’autres (…) C’est dire que les sociétés d’Etat ou nationales, les sociétés à capital public, les sociétés d’économie mixte quel que soit le niveau de participation de l’Etat sont régies par l’Acte uniforme » .
Il semble cependant qu’il existe un certain doute sur le caractère commercial ou civil en droit OHADA des EPIC, qui correspondent aux Entreprises publiques « ancienne version » du droit congolais. M. ANOUKAHA soutient, avec justesse, que les EPIC sont commerçants, parce qu’ils exercent une activité commerciale et conformément à l’article 2 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général. Mais, nous ne partageons pas son raisonnement lorsqu’il note que ces EPIC relèvent de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le GIE. En effet, les EPIC, bien que commerçantes en droit OHADA, ne sont pas constituées en forme de sociétés.
Les Groupements d’intérêt économiques sont quant à eux commerçants, conformément à l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
Concernant les sociétés coopératives, précisons que la définition moderne que donne le droit OHADA de la définition de la société, permet au sein de l’espace OHADA qu’une coopérative prenne la forme de société. En effet, la société se caractérise désormais, non seulement par un souci de partager des bénéfices mais également dans celui de profiter de l’économie qui pourrait résulter de l’activité créée. Ce qui peut être le cas des coopératives. En outre, à raison de la commercialité par l’objet, il suffira qu’une société coopérative se fixe dans son objet l’accomplissement d’actes de commerce à titre de profession, pour que malgré sa nature « d’entreprenariat humaniste fermé sur ses membres » , elle acquiert la qualité commerciale. Dès lors, l’opinion selon laquelle, les sociétés coopératives « sont juridiquement des groupements ne poursuivant aucun but de lucre », ne distribuant aux coopérateurs qu’en principe des ristournes , ne fait plus obstacle ni à la nature sociétale de la coopérative, ni à son éventuelle caractère commercial.
Par ailleurs, la Reforme du droit OHADA du 15 décembre 2010 a concerné également les sociétés coopératives. En effet, l’acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives a été adopté ledit 15 décembre 2010, publié dans le Journal officiel de l’OHADA le 15 février 2011 et entrera en vigueur le 16 mai 2011. Ce texte qui organise les sociétés coopératives ne fait pas obstacle à l’application à ces sociétés, lorsqu’elles auraient un objet commercial, et donc seraient commerçantes, des règles de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et les groupements d’intérêt économique et de l’acte relatif au droit commercial général. Ainsi, ces sociétés coopératives commerciales devront s’inscrire au Registre du commerce et du crédit mobilier conformément à l’article 27 de l’acte uniforme sur le droit commercial général, outre le fait qu’elles s’inscriront au Registre des sociétés coopératives.
(3 ) La problématique de l’article 3, alinéa 1er de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et GIE
Notons le contenu de l’article 3 alinéa 1er de cet Acte uniforme dispose que : « toutes personnes, quelle que soit leur nationalité, désirant exercer en société, une activité commerciale, doivent choisir l’une des formes de société qui convient à l’activité envisagée parmi celles prévues par le présent Acte uniforme ».
Selon le Professeur ISSA SAYEGH, « la société civile à objet commercial devra adopter une des formes de société commerciale prévue par l’acte uniforme ; celle qui ne prendrait pas l’une des formes commerciales précitées ne se trouverait pas soumises aux dispositions de l’Acte uniforme mais encourrait la nullité selon les dispositions implicites de l’article 3 » .
Il est vrai qu’une telle société violerait les dispositions d’ordre public de l’article 3 de l’Acte uniforme. Car toutes les dispositions de l’acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et GIE sont en principe, d’après l’article 2 du même acte, d’ordre public. Mais les articles 242 et 244 de cet acte uniforme ont consacré dans le texte le fameux principe, « pas de nullité sans texte ». Il s’en suit que l’article 3 de l’acte uniforme n’ayant pas expressément prévu la sanction de nullité, une société qui y contreviendrait n’encourrait pas la nullité. Il serait toutefois approprié de décréter son inefficacité, c'est-à-dire son inaptitude à produire des effets de droit attachés à sa nature sociétale . Cette situation s’analyserait en fait pour ladite société comme une société de fait.
La position du professeur ISSA SAYEGH me paraît excessive relativement à la non-soumission d’une telle société à l’Acte uniforme. En effet, une telle interprétation aurait pour conséquence de rendre les incohérentes les dispositions de l’article 6 de l’Acte uniforme sur les Sociétés commerciales et GIE qui prévoient la commercialité par l’objet. Car alors, les sociétés civiles à objet commerciale ne seraient pas soumises à l’Acte uniforme bien qu’étant commerciales selon ladite disposition et l’article 1er qui dispose que « toute société commerciale » est soumis à l’Acte uniforme.
L’interprétation qui me semble appropriée est la suivante : il est interdit sous peine d’inefficacité d’exercer en société des activités commerciales sans prendre l’une des formes commerciales prévues par l’acte uniforme ; une telle société, le tribunal peut la déclarer inefficace. Toutefois, les règles relatives à la société de fait lui seront appliquées et elle sera, en tant que société de fait, considérée comme commerciale conformément à l’article 6 de l’Acte uniforme précité. En outre, la commercialité par l’objet trouvera une autre application en cas d’entrée en vigueur du droit OHADA en RDC, car les sociétés non constituées dans l’une des formes prévues par le droit OHADA , en attendant la mise en harmonie de leurs statuts avec l’Acte uniforme (dans les deux ans de ladite entrée en vigueur), bénéficieront de la qualité commerciale.
Mais il parait évident que la commercialité est en principe déterminée en droit OHADA par la forme. La commercialité par l’objet, n’étant qu’exceptionnelle et résiduelle.
A défaut de conclusion…

Je m’en voudrais de conclure !
L’adhésion de la RDC à l’OHADA est un choix plus politique que juridique, dont j’ai la modestie de laisser la responsabilité aux politiques. Quoi qu’il en soit, cette étude illustre peut-être caricaturalement, les faiblesses et les forces des deux droits.
D’une part, le droit OHADA est le fruit d’un pari audacieux, nécessairement risqué, mais pavé de bonnes intentions. Les dernières réformes de décembre 2010, indiquent cette bonne volonté et ce risque. Les rédacteurs de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit commercial général n’ont pas hésité à donner suite aux critiques, en modifiant, avec bonheur, la définition du commerçant. Mais on se rend bien compte que l’essai courageux (téméraire ?) de définition de l’acte de commerce n’a pas été concluant.
D’autre part, le droit congolais qui se prévaut d’un enracinement juridique particulier, dont le caractère parfois avant-gardiste coexiste paradoxalement avec une curieuse vétusté (le décret sur les commerçants et la preuve des engagements commerciaux date de 1913 !) ne fera certainement pas l’économie d’une profonde remise en cause, OHADA ou pas.
C’est donc l’heure des choix, au droit OHADA de se guérir de son péché congénital, de ce qu’il est trop un droit de bureaucrates dont la prétention à la modernité entraîne des solutions d’apprenti-sorcier pas toujours efficace.
Quant au droit congolais, il n’échappera pas à sa mue, peut-être grâce à OHADA. Mais en attendant, il ne faudra pas hésiter de jeter un coup d’œil comparatif à défaut d’être toujours admiratif, chez les voisins des terres « déjà » OHADA.
BIA BUETUSIWA
Bibliographie indicative
1. Textes normatifs

a. Droit congolais

1) Décret du Roi-souverain du 27 février 1887 sur les Sociétés commerciales tel que modifié à ce jour in Les codes LARCIER, République démocratique du Congo, tome III, droit commercial et économique, Vol. I Droit commercial, Ed. Larcier, Bruxelles, 2003, pp.84-92.
2) Décret du 2 août 1913, des commerçants et de la preuve des engagements commerciaux in Bulletin officiel, 1913, p. 775.
3) Décret du 6 mars 1951 sur l’institution du Registre du commerce in Bulletin officiel, 1951, p. 291.
4) Loi n° 08/007 du 7 juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques in Journal officiel de la République démocratique du Congo, n° spécial, 12 juillet 2008, pp. 5-8.

b. Droit OHADA

5) Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif aux sociétés commerciales et GIE in Journal officiel de l’OHADA n°2, du 1er octobre 1997.
6) Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général in Journal officiel de l’OHADA n°1, du 1er octobre 1997.
7) Acte uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopératives in Journal officiel de l’OHADA, n°23 du 15 février 2011.
8) Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant droit commercial général in Journal officiel de l’OHADA, n°23 du 15 février 2011.

2. Doctrine

1) François ANOUKAHA et al., OHADA-Sociétés commerciales et GIE, Bruylant, Bruxelles, 2002.
2) Ibrahima BÂ, Observations sur l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E. du traité de l’OHADA, in Revue EDJA n°35, octobre-novembre-decembre 1997 et in www.ohada.com/doctrine [24/04/2011]
3) Urbain BABENGENO, Le droit congolais des affaires, état actuel et perspectives de reformulation in www.ohada.com/doctrine [24/04/2010]
4) Alain COMLAN, Traité de droit commercial congolais, tome I, Nouvelles Editions Africaines, Paris, sans date.
5) Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, PUF/Quadrige, Paris, 2002 (3ème édition).
6) Joseph ISSA SAYEGH, Droit des sociétés commerciales OHADA : Droit commun et régimes particuliers in www.ohada.com/doctrine[24/04/2011]
7) Joseph ISSA SAYEGH, Le caractère d’ordre public des dispositions de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du Groupement d’intérêt économique, in www.ohada.com/doctrine[24/04/2011]
8) Jacqueline LOHOUES-OBLE, Innovations dans le droit commercial général, in Petites affiches, 13 octobre 2004, n°205, pp.8-10
9) LUKOMBE NGHENDA, droit des sociétés, tome I, PUC, Kinshasa, 1999.
10) LUKOMBE NGHENDA, Le règlement du Contentieux commercial, tome I, les tribunaux de commerce, PFDUC, Kinshasa, 2005.
11) LUKOMBE NGHENDA, Le règlement du Contentieux commercial, tome II, l’arbitrage, PFDUC, Kinshasa, 2006.
12) MUANDA NKOLE WA YAHVE ? Droit pénal issu des sociétés OHADA, cerda, kinshasa, 2011
13) Boris MARTOR et all., le droit uniforme africain des affaires issu de l’OHADA, Juris-Classeurs, Paris, 2004.
14) NGUYEN CHANH TAM et all., Guide juridique de l’entreprise, Faculté de droit, UNAZA, Kinshasa, 1973.
15) NGUYEN CHANH TAM et all., Lexique de droit des affaires zaïrois, CRP, Kinshasa, 1972.
16) OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, Paris, 2002.
17) Pierre PIRON et Jacques DEVOS, Codes et lois du Congo Belge, tome I, Larcier, Bruxelles, 1960, p.227.

Site internet : www.ohada.com

vendredi 20 mai 2011

Création d'un espace d'idées et de publications d'articles pour la vulgarisation du droit OHADA par le CERDA.

OHADA.com vous informe : OHADA / RDC / Création d'un espace d'idées et de publications d'articles pour la vulgarisation du droit OHADA par le CERDA.

Le Centre d'Etudes et des Recherches en Droit des Affaires-OHADA, a la joie de vous annoncer le lancement officiel d'un espace sur internet, en vue de rendre de manière la plus large possible, la vulgarisation du Droit OHADA en République Démocratique du Congo.

Cette initiative vise principalement l'échange d'idées entre tous les Clubs et Associations OHADA en RD Congo, la formation en ligne, la publication d'articles, les commentaires d'arrêts et de jugements des Tribunaux de commerce congolais concernant le Droit des Affaires. Mais aussi les publications de livres numériques en vue d'accompagner les universités congolaises dans leur tâche de formation des étudiants, futurs acteurs du Droit OHADA.

Composition du comité rédacteur du CERDAOHADARDC :
• Directeur et rédacteur en chef : Professeur Don José MUANDA NKOLE wa YAHVE
• Président du directoire de l'Université catholique du Graben : Abbé MALU MALU Apollinaire
• Responsable de la publication Nord Kivu (Université Catholique du Graben Butembo, Nord Kivu) : Professeur PALUKU
• Responsable de la publication Sud Kivu : Substitut du procureur, Magistrat Ézéchiel CIRIMWAMI
• Président du Directoire des étudiants et secrétaire du Rédacteur en chef (Nord kivu) : Serge SARIMI BINDU
• Responsable de la publication/Université de Goma : Assistant Bienfait
• Responsable de la publication Katanga : David LUBOYA
• Responsable de la publication/Université libre de Grands Lacs (ULPGL) : Aimé KITANDI
• Responsable de la publication/Université Protestante au Congo : Roger SESANI
Le CERDAOHADARDC, est ouvert à tous les Clubs et Associations OHADA de la RD Congo et à toute la communauté africaine acquise à la vulgarisation des Actes uniformes du Traité OHADA.

Pour tout contact, besoin d'échanges d'idées ou encore pour publier un article dans le cadre de la réflexion et de la vulgarisation des Actes uniformes de l'OHADA, prière de contacter le Professeur Don José MUANDA NKOLE wa YAHVE à cette adresse : donmuanda@yahoo.fr

Un comité de lecture est chargé de vérifier la qualité et la pertinence des articles proposés, en vue d'observer strictement les exigences scientifiques et méthodologiques en la matière.

Il est demandé à toute personne intéressée qui partage nos objectifs et qui voudrait se joindre à nos efforts pour la vulgarisation du Droit OHADA, de soumettre sous format Word, tout article ou publication à publier préalablement à cette adresse électronique : donmuanda@yahoo.fr pour une appréciation par le comité de lecture.

Le Professeur Don José MUANDA NKOLE YAHVE, fondateur et Directeur CERDAOHADARDC, remercie toutes celles et tous ceux qui porteront un intérêt à cette initiative pour la réussite de la vulgarisation du Droit OHADA en RDC à travers cet outil. Nos remerciements vont également à la Commission Nationale OHADA RDC, présidée par le Professeur MASAMBA MAKELA Roger et à la Fédération Nationale des Associations et Clubs OHADA RD Congo (FENACO) tout en souhaitant la bienvenue à toutes et tous.

Pour vous connecter, rendez-vous sur : www.cerdaohadardc-cerdaohadardc.blogspot.com et consultez les articles, les livres numériques et les échanges d'idées sur la vulgarisation du droit OHADA en RD Congo.

Don José MUANDA NKOLE wa YAHVE
Professeur Docteur en droit des affaires et avocat à la cour.
Coordonnateur de la FENACO et vulgarisateur du droit OHADA.

UNIDA / OHADA.com

samedi 14 mai 2011

Les infractions en matière de constitution des sociétés OHADA

Les infractions en matière de constitution des sociétés OHADA

Par

Don José MUANDA NKOLE wa YAHVE
Professeur d’universités


Concernant les infractions en droit pénal des sociétés, le législateur congolais a longtemps au détriment des intérêts des associés, des actionnaires, des tiers et du fisc, maintenu un vide juridique. Le décret du 27 février 1889 sur les sociétés commerciales n’a pas prévu des infractions propres aux sociétés commerciales qu’il réglemente pourtant.

L’on retrouve en matière de la responsabilité pénale des dirigeants sociaux en droit congolais, quelques infractions éparses pratiquement inappropriées. Il est déplorable que l’on se contente à appliquer des sanctions civiles en lieu et place des sanctions pénales en cas de violation de la législation sur les sociétés commerciales.

L’inexistence d’un droit pénal congolais des sociétés a favorisé un accroissement des comportements abusifs dans le chef des dirigeants sociaux en RDC. Les dirigeants insoucieux des masses monétaires qui leur appartiennent pas, en abusent et vont jusqu’à confondre le patrimoine social en patrimoine personnel. Combien de fois, a-t-on vu, les responsables des sociétés commerciales détourner, voler, utiliser les sommes importantes d’argent ou les biens appartenant à la société à des fins personnelles et familiales ?

Un ADG qui utilise un véhicule de fonction pour une promenade familiale au delà des frontières de la capitale, qui le camion de l’entreprise pour transporter ses effets personnels, un directeur qui puise dans la caisse pour donner à ses concubines. Un mandataire public qui emploie fictivement ses parents ou qui abuse du crédit de la société. Tous ces comportements sont infractionnels sous d’autres cieux de manière précise, alors que le législateur congolais a brillé par son mutisme juridique.

Ainsi, l’insécurité juridique couplée à celle judiciaire, a plongé l’économie nationale dans un gouffre inimaginable. Les opérateurs économiques mal protégés et les investisseurs mal sécurisés, ont toujours crié à l’aide sans une réaction de la part de celui habilité à légiférer en la matière.

Pourtant la troisième République s’est efforcé de sécuriser le secteur des affaires, ses efforts nous paraissent louables. Mais la protection pénale des épargnants qui se muent en actionnaires ou en investisseurs n’a malheureusement pas fait l’objet d’une réflexion satisfaisante.
Il demeure la nécessité d’instaurer un droit pénal congolais des sociétés. Seul ce système répressif particulier aux sociétés commerciales, devra sécuriser ceux qui investissement dans les affaires sous forme d’une société commerciale. Ce droit devra concerner même les sociétés commerciales créées par l’Etat ou celles d’économie mixte.

Rappelons que la nécessité d’instaurer les infractions propres aux sociétés, nous avait amenés à considérer cette matière essentiellement dans notre thèse de doctorat en droit pénal des sociétés . Il sera question dans ce titre

Chapitre 1. Considérations générales

Section I. De l’esprit de la législation à venir

Les critiques à l’adresse de la législation congolaise en vigueur en matière des sociétés commerciales en particulier et en matière de droit des affaires, se regroupent autour des idées suivantes : multiplicité et éparpillement des textes, inadaptation de la législation à la réalité. Ainsi, l’unanimité s’est faite depuis longtemps sur la nécessité d’une réforme en vue d’une mise en ordre et d’une mise à jour.

En premier lieu, la complexité de législation congolaise sur les sociétés constitue, indéniablement, l’un de ses défauts majeurs. Il est superflu de se taire sur le caractère disparate cette législation issue de multiples sources, résultant des lois d’époques différentes, elles-mêmes remaniées à diverses reprises.

A ces défauts s’ajoute, en deuxième lieu, un besoin d’amélioration d’un droit vieilli de plus de deux siècles à peu près et qui n’avait certes qu’imparfaitement suivis l’évolution des idées et des faits. Les multiples dispositions prises depuis déjà deux siècles avaient obéi hélas, aux nécessités de l’heure et s’étaient succédé sans que l’on puisse dénicher le fil directeur qui les reliât les unes aux autres.

Il s’est ensuivi des contradictions, des incohérences et des lacunes que la jurisprudence n’a pu éliminer en dépit de ses œuvres remarquables. Le Décret royal du 27 février 1887 n’a pu tout prévoir : c’est ainsi que la société par actions à responsabilité limitées n’a jamais eu de réglementation par ce décret ; que les dispositions pénales relatives aux sociétés commerciales n’ont jamais été prévues. De même tant de règles sont ignorées ou insuffisantes quant à la protection des actions ou associés ; des tiers ou de la société elle-même.

Enfin la loi s’est avérée tellement anachronique au regard de l’évolution des affaires en République Démocratique du Congo, que les spécialistes du droit congolais des sociétés se sont prononcés pour la réforme. Le Professeur LUKOMBE NGHENDA avait déjà proposé des axes de méthodologie pour cette réforme , quant au Professeur MASAMBA MAKELA, l’adhésion de la République Démocratique du Congo, apportera une solution efficace à l’amélioration du cadre juridique congolais des affaires . Tant d’autres experts du droit congolais ont exprimé des vœux quant à la réforme, bien sûr des opinions divergent mais l’idée principale à laquelle adhérent tous les éminents professeurs congolais ainsi que d’autres praticiens du droit demeure la réforme de notre Droit des affaires.

S
L’impératif de l’ajustement aux structures nouvelles que l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique apporte à notre présent juridique et à son avenir, s’exprime par la fidélité à la contribution d’unification de l’Afrique.

Quel sera l’objectif du droit pénal congolais des sociétés ?

L’objectif essentiel consistera à adapter le droit congolais des sociétés dans son aspect purement pénal aux données nouvelles nées du Traité OHADA.

Cependant deux questions retiennent l’attention : quels sont les fondements juridiques de cette obligation d’harmonisation ? Et quelle en sera l’étendue ?

Le rapprochement des législations nationales dans la mesure nécessaire au fonctionnement de l’espace juridique commun du Traité OHADA figure parmi les principes qui s’imposent aux signataires. Il s’agit dans l’hypothèse où la RDC serait déjà Etat-membre, d’une coordination de certaines garanties protectrices des intérêts des associés et des tiers : nous sommes encore loi de l’unification réelle de l’Afrique sur tous les niveaux, mais cela constitue une très grande étape.

En ce qui concerne l’étendue de l’obligation, celle-ci peut se comprendre dans un contexte de mondialisation et d’ouverture des économies nationales à la concurrence. Dès lors l’instauration d’un climat de confiance propice aux investissements étrangers est une des motivations du Traité.

I. Imitation ou inspiration ?

L’Afrique se concevant de plus en plus comme la conquête d’une unité sur des nationalités diverses dont chacune est respectable, il va de soi, qu’outre les bienfaits économiques prévus, un tel contact et une telle ouverture ont chance de faire bénéficier chaque culture et la civilisation commune d’apports très enrichissants, et ce dans tous les domaines : artistique, politique, littéraire, scientifique et juridique. En ce sens, la loi semble être à la fois au point de départ et au terme de ce processus d’échanges supranationaux, et ; d’enrichissement culturel mutuel.

Le législateur congolais se voit obligé de répondre à cet impératif d’harmonisation du droit des affaires en Afrique. Au moment où l’Afrique a besoin d’une unification, nous ne pouvons nous permettre d’échapper à notre devoir de faire de l’Afrique un continent fortement concurrent de ses voisines Europe, l’Amérique et l’Asie.

Il nous a semblé donc opportun de tenter une esquisse de la théorie du droit pénal congolais des sociétés, œuvre qui sera exclusivement réservée au législateur congolais. Est-il permis dans cette hypothèse, de devancer une théorie qui devra être domaine exclusif de la loi ?

II. La loi : conscience publique

Une manière de crainte ou de pudeur habite quiconque entreprend d’ajouter son propre discours à celui, définitif et grave, d’une loi, que ce soit commentaire ou étude, exégèse ou description des modalités d’application, le propos d’un particulier semble toujours rapporté, superflu, puisque par définition la loi st une texte qui englobe d’avance dans généralité toutes les réactions personnelles, tous les comportements singuliers. Intemporelle, elle rassemble dans sa présence le passé et l’avenir d’une cité : définie par Rousseau comme « une déclaration publique et solennelle de la volonté générale sur un objet d’intérêt commun ».

La loi réside en ce lieu secret où s’articulent la volonté d’un peuple et celle des hommes à qui ce peuple confit la souveraineté. Le geste empirique du fondateur de la loi, l’événement par lequel elle fait irruption dans l’univers politique d’un Etat, se cristallisent aussitôt en institution qui fait oublier d’emblée les circonstances de sa naissance. Par la loi, nous accédons à l’histoire, le dire de la loi s’impose et les bavardages se taisent.

Par la loi, apparaît un visage sacré : « quelles soient les, écrit Montesquieu, il faut toujours les suivre et les regarder comme la conscience publique à laquelle celles des particuliers doit se conformer toujours ».

La société type dont nous étudierons les infractions, est la société anonyme (SA). En droit congolais, cette société est l’équivalente de la société par actions à responsabilité limitée (SARL).

Titre 3. Les infractions relatives à la constitution des sociétés.
.

Il s’agit des infractions de :

1) le délit d’émission ;
2) le délit de déclaration notariée mensongère ;
3) Le délit de simulation de souscription ou de versement et délit de publication de faux ;
4) Le délit de majoration de la majoration des apports ;
5) Le délit de négociation et enfin le délit d’exercice irrégulier de commissaire aux apports.

C

Article 886 de l’AUSC :

« Est constitutif d'une infraction pénale, le fait, pour les fondateurs, le président-directeur général, le directeur général, l'administrateur général ou l'administrateur général adjoint d'une société anonyme d'émettre des actions avant l'immatriculation ou à n'importe quelle époque lorsque l'immatriculation est obtenue par fraude ou que la société est irrégulièrement constituée ».
Le délit d’émission précédemment par l’article du 24 juillet 1867 consiste dans le fait d’émettre des actions d’une société irrégulièrement.

Ce délit suppose deux éléments nécessaires à sa constitution. Le délit consiste dans le fait d’émettre des actions d’une société avant l’immatriculation ou d’une société irrégulièrement constituée. Il permet ainsi de sanctionner pénalement l’inobservance des règles de constitution de souscriptions ou des versements ayant trait à l’émission par les fondateurs, les administrateurs, les gérants ou toute personne par mandat de ces derniers qui procèderait à l’opération incriminée.

1. la violation des règles de constitution et l’émission irrégulières des actions.

A. Violation des règles de constitution

Les irrégularités s’expriment ainsi :

• avant l’immatriculation au Registre de commerce et de crédit mobilier (RCCM) ;
• à une époque quelconque si cette immatriculation a été obtenue par fraude.

a. Emission des actions

C’est l’élément par lequel se consomme l’infraction. Emettre n’est pas ici la souscription publique faite au public à apporter les capitaux, au sens de la loi, l’émission c’est créer matériellement et délivrer aux apporteurs de titres d’actions. L’émission pénalement réprimée suppose que les titres remis au souscripteur lui permettent d’exercer les droits attachés à la qualité d’actionnaire : droit sur l’actif social ; sur le bénéfice d’exploitation ; droit à la gestion de la société et de négocier les titres par voies commerciales. L’émission punissable est celle antérieure à la formation régulière de la société.
Les irrégularités entachant la constitution de la société ou s’y rapportant plus ou moins directement, ne sont assorties des sanctions que s’il y a en outre émission d’actions ou de coupures d’actions. La loi ne punit pas en elle-même les irrégularités dans la constitution de la société ; elle ne le fait que le jour où les titres sont émis, donc susceptibles de transaction.

Le délit d’émission est une infraction purement matérielle, elle n’exige l’élément moral, l’intention frauduleuse. Une simple faute suffit même si la faute n’est que présumée. C’est un délit de fonction.

Pour que l’on puisse considérer la souscription comme intégrale, il faut
- que le capital soit souscrit en totalité ;
- que les souscriptions soient sincères ;
- qu’elle soit ferme et irrévocable et que et que les fonds soient tenu à la disposition de la société jusqu’à sa constitution définitive.

 Le capital doit être souscrit en totalité : il faut entendre par là que toutes les actions doivent trouver un preneur et que le montant des actions souscrites et le montant des actions souscrites doit bien représenter la totalité du capital annoncée.

 Les souscriptions doivent être sincère : il s peut, en effet, que, dans l’impossibilité de placer la totalité des actions, les fondateurs recourent des combinaisons artificielles destinées à faire croire aux tiers l’intégralité de la souscription.

Le procédé le plus couramment employé consiste à faire croire à l’intégralité les actions par des hommes de paille des fondateurs : employés, domestique, acolytes quelconque, dénuées des ressources personnelles et n’ayant en aucune façon l’affection societatis


En ce qui concerne les sociétés à prête nom, de toute façon, il aboutit au fait que sont réputées fictives les souscriptions au nom des personnes imaginaires ou des personnes qui n’ont pas réellement souscrit, ou de qui manifestement incapables d’acquitter le premier quart exigible sur leurs titres.
Enfin ; n’est pas fictive une souscription libérée au nom de fonds empruntés ; elle ne saurait résulter non plus de l’insolvabilité du souscripteur survenu après la constitution.

 Les souscriptions doivent être fermes et irrévocables : sont par conséquent prohibées les souscriptions à terme ou sous condition. Celles-ci se présentent, en pratique ; sous forme de réserves insérées dans le but dans le bulletin de souscription.
Somme toute, il appartient au juge d’examiner le fond.

Bien que ce principe apparaisse très net, il subsiste néanmoins cas qui mérite quelques commentaires ; c’est celui dans lequel l’usage de prête nom n’a eu pour but de remédier à l’insuffisance du nombre des actionnaires.

Par exemple, un souscripteur déclare subordonner son engagement à la condition qu’un rendement minimum soit obtenu par la société pendant les deux premières années ; ou encore, une personne souscrit qu’à la condition qu’une fonction déterminée lui soit réservée dans la société. De telles conditions sont prohibées. En effet, la règle de la souscription intégrale ne souffre aucune condition suspensive ou résolutoire. Ces conditions sont réputées non écrites la souscription reste donc pure et simple.


B. La réparation des vices de constitution et ses incidences sur l’action pénale

L’Acte uniforme susmentionné s’est évertué à réduire les causes de nullités, et particulièrement les cas de nullité pour vice de forme. L’AUSC subordonne la création de la société à l’immatriculation de registre de commerce et de crédit mobilier, ainsi que les modifications statutaires, au dépôt de greffe du tribunal de commerce, par les fondateurs, les membres des organes de gestion, d’administration, de direction et de surveillance, d’une déclaration dans laquelle ils relatent toutes les opérations effectuées en vue de constituer régulièrement la société ou de la modifier et par laquelle ils affirment que les opérations on été réalisées en conformité de l’AUSC. Cet Acte a prévu que si, une formalité prescrite pour la constitution ou la modification de la société a été omise ou irrégulièrement accomplie, toute personne intéressée ou le ministère public sont recevables à demander en justice la régularisation dans un délai qui varie selon qu’il s’agit de nullité qui entache soit les actes de constitution soit des actes autres de la société soumis légalement à la publicité.
Ainsi,

• toutes les nullités peuvent être couvertes, à l’exception de celles qui sont fondées sur la violation de l’ordre public ou de bonnes mœurs ;
• qu’une nullité peut être couverte jusqu’à ce que le tribunal ait statué sur le fond en première instance ;
• que le Tribunal de commerce, saisi d’une action en nullité, peut d’office fixer un délai pour permettre de couvrir la nullité et prononcer la nullité moins de deux mois après la date de l’exploit introductif d’instance ;
• que si pour couvrir une nullité, une assemblée doit être convoquée ou une consultation des associés effectuée et s’il est justifié d’une convocation régulière de cette une assemblée ou de l’envoi aux associés du texte des projets de décision accompagnés des documents qui doivent leur être communiqués le Tribunal de commerce peut accorder par un jugement le délai nécessaire pour que les associés puissent prendre une décision.

Quid de la régularisation des vices en matière de la constitution et ses incidences sur l’action pénale ?

Le droit OHADA préconise plus l’action judiciaire en régularisation plutôt que de sanctions, dans cette hypothèse si l’un des fondateurs initie l’action en régularisation enfin de doter la société d’une construction légale, quel serait le sort de l’action publique ?

Dans ce cas, le principe est que l’action publique reste valable si l’émission des titres a été antérieure, mais si la régularisation intervient postérieurement à l’émission des titres, l’action pénale reste valable.

Nous pouvons ramener aux quatre hypothèses dans le cadre de l’infraction d’émission des actions :

• première hypothèse : la société a été constituée dans des conditions irrégulières, mais aucun titre d’actions n’a été émis ; dans cette hypothèse, il n’est pas possible d’exercer de poursuites judiciaires sur le fondement de l’article 886 de l’AUSC ;
• deuxième hypothèse : la société a été constituée dans des conditions irrégulières et des actions ont été créées matériellement et délivrées aux actionnaires ; le délit se trouve consommé ;
• troisième hypothèse : la société a été constituée dans des conditions irrégulières mais les irrégularités de constitution sont réparées suivant les articles 248 et suivants de l’AUSC, dans ce cas il n’y a ni nullité de la société ni infraction.

C. L’élément moral

La lecture de l’article 886 de l’AUSCGIE (Acte uniforme relatif au droit des sociétés et du groupement d'intérêt économique) précité n’indique pas clairement la nature de l’infraction d’émission, il appert de soutenir que cette infraction fondée sur la faute des administrateurs, car ils ont l’obligation de vérifier toutes les formalités de constitution de la société, une simple négligence ou omission, l’infraction est consommée, mais certains auteurs arguent que c’est une infraction purement matérielle, ce que nous ne partageons pas.

En effet, la faut imputée aux dirigeants sociaux repose sur le fait de leur méconnaissance de l’obligation de procéder aux vérifications liées aux formalités de la constitution de la société.

Elle se déroule conformément à la procédure pénale de droit commun. L’action civile peut se faire accessoirement à l’action publique et obéit la procédure pénale de droit commun


D. Les personnes punissables et L’action publique et les peines applicables

Les personnes punissables sont les fondateurs, le président-directeur général, le directeur général, l'administrateur général ou l'administrateur général adjoint.

E. Complicité

Toute personne qui aura aidé ou facilité ou donné les moyens aux auteurs de l’infraction pour la réalisation de l’infraction sera poursuivi pour complicité. Pratiquement sont poursuivi à titre de complice un administrateur qui aura démissionné au moment de l’émission des actions selon la doctrine De même le démarcheur qui s’est entremis pour faciliter la constitution frauduleuse de la société, le banquier qui a mis ses guichets à la disposition de la société en vue de la réalisation d’une émission dont il connaissait le caractère frauduleux, le directeur d’une agence jouissant d’une large autonomie qui était chargé de recueillir les fonds et de faire parvenir les titres aux souscripteurs, le commissaire aux apports qui a présenté le rapport contenant de graves erreurs volontaires destinées à tromper les actionnaires.

Il reste qu’à l’égard des complices, et sauf le cas où il s’agit des personnes chargées expressément de vérifier les opérations constitutives de la société, leur condamnation n’interviendra généralement qu’après constatation de leur intention délictueuse.

F. La tentative

La tentative n’est pas punissable puisqu’elle n’est pas spécialement incriminée par l’Acte susmentionné.

Quant aux peines, il appartiendra au législateur congolais d’en définir le taux et la politique.


C
Article 887 de l’AUSCGIE :

Encourent une sanction pénale :

1°) ceux qui, sciemment, par l'établissement de la déclaration notariée de souscription et de versement ou du certificat du dépositaire, auront affirmé sincères et véritables des souscriptions qu'ils savaient fictives ou auront déclaré que les fonds qui n'ont pas été mis définitivement à la disposition de la société ont été effectivement versés ;
2°) ceux qui auront remis au notaire ou au dépositaire, une liste des actionnaires ou des bulletins de souscription et de versement mentionnant des souscriptions fictives ou des versements de fonds qui n'ont pas été mis définitivement à la disposition de la société ;

3°) ceux qui sciemment, par simulation de souscription ou de versement ou par publication de souscription ou de versement qui n'existent pas ou de tous autres faits faux, auront obtenu ou tenté d'obtenir des souscriptions ou des versements ;

4°) ceux qui, sciemment, pour provoquer des souscriptions ou des versements auront publié les noms de personnes désignées contrairement à la vérité comme étant ou devant être attachées à la société à un titre quelconque ; ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature, une évaluation supérieure à sa valeur réelle.

L’article institue de 886 AUSCGIE institué l’infraction quatre infractions que nous allons examiner successivement : il s’agira

• de l’infraction de déclaration notariée mensongère ;
• de l’infraction de simulation ou de versements ;
• de l’infraction de publication des faits faux ;
• de l’infraction de majoration frauduleuse des apports en nature ;
• de l’infraction de négociation et
• enfin l’infraction d’exercice irrégulier des fonctions de commissaires aux apports.

I. Eléments constitutifs de délit de déclaration notarié mensongère
A. Elément

Comme les souscriptions et versements sont constatés par une déclaration faite dans un acte notarié en ce qui concerne les sociétés faisant publiquement appel, que sur présentation des bulletins de souscription et, le cas échéant l’épargne, certificat du dépositaire constatant le versements déclarés par les fondateurs de fonds, le notaire affirme, dans l’acte qu’il dresse, que le montant des versements versés par les fondateurs est conforme à celui des sommes déposées dans son étude et figurant au certificat précité.

Pour les sociétés ne faisant pas publiquement appel l’épargne l’AUSC dispose que les versements sont constatés par une déclaration d’un ou de plusieurs actionnaires dans un acte notarié et que sur présentation de la liste des actionnaires mentionnant les sommes versées par chacun d’eux, le notaire procède.

L’importance de la déclaration n’a pas besoin d’être soulignée : outre qu’elle attire l’attention des fondateurs sur l’intérêt que la loi attache à ce que le capital social soit intégralement souscrit et effectivement libéré ; elle permet de renseigner efficacement les tiers sur la nature et l’importance des ressources dont dispose la société ; sur la nature et ; ainsi que sur la personnalité de ses fondateurs et sur celles des premier souscripteur.

L’infraction suppose deux éléments à sa réalisation

• Elément matériel : la déclaration doit contenir des allégations fausses ou inexactes ;
• Elément moral : la fausse déclaration doit avoir été faite sciemment et en toute connaissance de cause.

A. Le caractère mensonger

L’élément matériel consiste dans le fait soit, d’affirmer sincères et véritables des souscriptions fictives ou au nom des personnes qui n’existent pas, soit dans le fait de déclarer effectivement versés les fonds non encore mis à la disposition de la société, soit encore remettre au notaire la liste des actionnaires fictifs.

Ainsi doivent être considérés comme fictifs des versements non effectués en réalité. Tel sera le cas, par exemple, lorsque le banquier aura délivré un reçu de complaisance constatant un versement inexistant en fait. Peu importe d’ailleurs que les fonds aient été ultérieurement à la disposition de la société car, pour être effectif le versement doit être opéré avant la constitution de la société. Aussi le caractère fictif du versement peut résulter du fait, pour le fondateur, de retirer ses fonds dès que la société été constituée.

Le caractère fictif des versements pouvait dans cette hypothèse d’une compensation opérée dans des conditions irrégulières en espèces au moyen d’une créance inexistante

L’élément intellectuel est requis : il faut que le délinquant ait agi avec science et avec l’intention de tromper.

C’est en cela que l’infraction de déclaration notariée mensongère se distingue de la simulation de souscription ou des versements

a. L’élément intentionnel

L’infraction exige un élément intellectuel, la connaissance du caractère fictif et la volonté de tromper. Il faut que l’auteur agisse en connaissance de cause.

La tentative n’est pas punissable n’étant pas incriminée.

1. Les personnes à incriminer et l’action civile

Peuvent être punissables le fondateur lors de la constitution et les d’administrateurs lors de l’augmentation du capital. Si ceux-ci ont donné mandat à une personne leur responsabilité reste engagée s’ils avaient connaissance de la fictivité. Quant au notaire qui reçoit la déclaration, il ne peut être responsable pénalement qu’il a agit avec science de la fictivité de la dite déclaration. Les fondateurs et les administrateurs peuvent être complices selon les principes de droit commun

B. Les personnes punissables

Les auteurs de l’infraction sont ceux qui ont pour mission de faire la déclaration notariée : les fondateurs lors de la constitution de la société, les administrateurs en cas d’augmentation du capital. Si les mandataires ou les administrateurs avaient donné mandat à l’un d’eux, soit à un tiers, leur responsabilité n’en est pas moindre s’ils avaient connaissance du caractère infractionnel.

Quant au mandataire, il tombera sous le coup si sa mauvaise foi est établie. D’autre part, seront poursuivis commerce complice, le banquier, le démarcheur ou les comparses qui auront aidé chacun par ses moyens Quant au notaire qui a reçu la déclaration de souscription et de versement, il n’engagerait sa responsabilité qu’il participait personnellement aux fraudes commises dans la déclaration et l’état qui y est annexé ; ou s’il omettait de se faire représenter les bulletins de souscription ou le certificat de dépôt des fonds. Son rôle se borne, en fait ; au pointage de la liste des souscripteurs, à la liste des souscripteurs, à la vérification de la capacité des apports et à la constatation du montant souscrit.



C. La tentative et peines

Elle n’est pas punissable et le délit est instantané. La poursuite obéit aux principes généraux de droit pénal général. Les peines principales et complémentaires seront définies par le législateur congolais tel : interdiction d’exercer les fonctions de dirigeants sociaux, la déchéance du statut de commerçant ou privation de quelques droits civiques.

II. Le délit de simulation de souscription ou de versement et le délit de publication des faits faux

Le premier délit suppose la réunion de trois conditions suivantes :

• une simulation de souscription ou de versements, c'est-à-dire l’affirmation mensongère de la souscription intégrale du capital social ou du versement, le fait de passer pour réels les souscriptions ou les versements inexistants. Le fond n’étant pas définitivement mis à la disposition de la société ;
• obtention ou tentative d’obtention d’autres souscriptions ou versements ;
• mauvaise foi, la simulation implique nécessairement l’intention frauduleuse.

II.1. L’infraction de simulation de souscriptions ou de versements

Par simulation des souscriptions ou des versements, il faut entendre le fait de faire passer pour réels des souscriptions ou des versements qui, en réalité sont fictifs ou même inexistants.
Sont réputées fictives les souscriptions non accompagnées du versement effectif de fonds mis définitivement à la disposition de la société. L’appréciation du caractère fictif de la souscription est essentiellement une question de fait qui ne peut être tranchée par les tribunaux qu’en tenant compte le plus souvent, la non sincérité résultera du fait que le pseudo souscripteur s’est trouvé dans l’impossibilité d’effectuer le versement du premier quart. Mais la jurisprudence considère comme valables les versements effectués à l’aide de fonds empruntés.

Rappelons qu’une souscription par prête nom n’est pas en soi une souscription fictive ; elle ne le serait que si elle était inspirée par une pensée de fraude à l’AUSC et aux tiers, l’affectio societatis devant être limitée, selon, en matière de capitaux, à l’engagement de souscrire et à la libération de la souscription.

Quant aux versements, la jurisprudence déclaré fictifs lorsqu’ils n’ont pas eu pour effet de mettre effectivement des espèces à la disposition de la société, et, notamment, lorsqu’ile ont été par un simple jeu d’écritures et spécialement par le débit d’un compte déjà débiteur ou suffisamment créditeur.
Dans les deux cas, la tentative est punissable, elle doit être manifestée par un commencement d’exécution et caractérisé par des actes non équivoques impliquant la recherche de souscriptions ou de versements.

La souscription de versements peut se produire également en matière d’actions d’apport, dans le cas où les apports effectués par les souscripteurs sont pratiquement inexistants ou sans valeur. La simulation résultera, le plus souvent, de ce que les fondateurs ou administrateurs auront frauduleusement donné, ou tenté de donner à des souscriptions et versements fictifs ou même inexistant l’apparence de la réalité, dans le but de provoquer d’autres souscriptions et d’autres versements.
On notera, comme étant également constitutifs de l’infraction de simulation :

• le fait pour un banquier, de délivrer un reçu de complaisance constatant un versement inexistant en fait, et ce dans le but de tromper les actionnaires ;
• le fait d’avoir mensongèrement inscrit sur les actions émises qu’elles étaient entièrement libérées, dans le but de faire croire à la régularité d’une augmentation de capital ;
• le fait d’avoir déclaré définitivement constituée avant le versement du premier quart en espèces, enfin de provoquer de nouvelles souscriptions ou de nouveaux versements ;
• le fait, pour les administrateurs, d’avoir libéré leur souscription par compensation grâce à l’inscription, au crédit de leur compte, de sommes dont la société était supposé débitrice à l’égard pour redevances sur exploitation de brevets ;
• le fait de vendre des actions faussement présentées comme libérées et d’utiliser le produit de cette vente à la libération du capital social.

A quelle époque la simulation peut avoir lieu ? Dès lors que l’infraction de simulation n’est constituée que si la simulation de souscription ou de versements a tendu à provoquer d’autres souscriptions ou d’autres versements, la simulation est nécessaire antérieure aux souscriptions et versements présumés viciés par cette fraude. Cependant il est bien évident qu’elle peut être postérieure à la constitution de la société ; si elle a eu pour objet de déterminer des actionnaires ou versements des deuxièmes, troisième et quatrième quarts ou encore en cas d’augmentation de capital.

II.2. Le délit de publication des faits faux

Cette infraction est d’une portée plus pratique que l’infraction de simulation de souscriptions ou de versements. Elle vise le cas où les dirigeants de la société ont mensongèrement publier des faits faux destinés à inspirer confiance au public et ce, dans le but de provoquer des souscriptions ou de versements.

Le délit suppose la réunion de quatre éléments suivants :

1) la publication de faits faux, la publication s’entend par tous les modes : affichage, circulaires, tracs, journaux télévisés ou écrits, etc. Ces manœuvres doivent viser à inspirer la confiance du public ;
2) la fausseté des faits allégués ;
3) la poursuite d’obtention des souscriptions ou de versements, le but précis est d’attirer des souscriptions ou de versements supplémentaires ;
4) la mauvaise foi, l’infracteur doit agir avec dol : supercherie.

La publication n’est pas seulement celle d’un avis imprimé mis à la disposition du public, ce qui restreindrait le champ de l’infraction aux prospectus, articles de journaux, affiches, réclames, circulaires, etc., il faut prendre le mot publier dans son sens étymologique : porter à la connaissance du public quelque soit le mode ou les moyens utilisés. Actuellement l’Internet peut être compris comme mode publication, les vues cinématographique, les déclarations verbales dans des assemblées, de même des indications fausses de les publicités légales sont répréhensibles.

Quant à la notion de faux, elle doit être également interprétée d’une manière extrêmement large, il faut y englober les mensonges de toute espèce que peuvent faire les lanceurs d’affaires ou des dirigeants de sociétés à l’effet, en attirant la confiance du public, de provoquer des souscriptions ou des versements.

C’est l’ensemble des faits qui sont présentés comme ayant une existence certaine. Il ne serait pas possible de passer en revue tous les moyens faux. La loi française donne des exemples concrets : la publication des souscriptions et des versements qui n’existent pas et la publication des noms de personnes désignées contrairement à la vérité, comme étant ou devant être attachés à la société à un titre quelconque.
La publication de fausses souscriptions ou des versements faux consistera généralement dans la publication d’une liste de souscripteurs en tout ou en partie imaginaires, dans l’établissement d’un état de versements mensongers.

Peut-on déduire que tous les mensonges rentrent dans le cadre de la répression ? La réponse est les mensonges visés par l’AUSC doivent avoir pour but de provoquer des souscriptions ou des versements, il arrive que l’on recourt à des noms des personnalités importantes pour inspirer le plus de confiance. Toutefois, le dol peut être évoqué par la victime partie civile. Mais il faut faire attention car l’AUSC punit l’obtention des souscriptions par publication des faits faux, mais encore la tentative d’obtention.

La relation de cause à effet en droit civil, cesse d’être aussi rigoureux en droit pénal des sociétés en tant donné que l’action pénale peut subsister alors que l’action civile doit être écartée dans certains cas de l’infraction.
A cet effet, la publication ou même la simple présentation d’un bilan sciemment inexact tombe sous le coup de la répression pénale, quel que soit, par ailleurs, le but poursuivi par les auteurs de l’infraction. Mais elle continue d’être retenue comme une composante de l’infraction de publication de faits faux s’il est établi que cette publication avait pour but d’attirer la confiance du public et de provoquer des souscriptions ou des versements.

Ont été relevés par la jurisprudence comme éléments constitutifs de l’infraction de publication de faits faux :

1) l’affirmation inexacte de la régularité de la société ;
2) la liste des souscripteurs imaginaires ou d’état de versements falsifiés ;
3) l’annonce d’une prochaine distribution de dividendes qui, compte tenu de la situation, ne sauraient être réguliers ;
4) la publication des cotes fictives destinées à faire croire au public que les actions ; en réalité délaissées, font l’objet d’un marché régulier ;
5) la publication des noms de personnes indiquées, contrairement à la vérité, comme faisant partie du conseil d’administration ;
6) les indications mensongères sur les origines de l’affaire, sur sa prospérité, la consistance des apports, les bénéfices déjà réalisés dans une entreprise individuelle qu’il s’agit de transformer en société par actions ;
7) l’annonce de prétendues garanties de remboursement accordées par la société aux souscripteurs.
L’expression « faits faux » doit être prise au sens large et l’on peut dire qu’il s’agit tous les procédés utilisés par les fondateurs de sociétés, les administrateurs et leurs acolytes susceptibles d’attirer frauduleusement la confiance des épargnants.

L’expression « faits faux » ne doit s’entendre que des faits antérieurs à l’obtention ou à la tentative d’obtention de souscriptions ou de versements. Un fait futur, même s’il est irréalisable, ne peut, à priori, être qualifié de faux. Il reste que la promesse d’un fait futur si elle ne peut être considéré comme élément de l’infraction de publication de faits faux ; peut être retenue comme constitutive de l’escroquerie si elle est accompagnée des manœuvres.
A. L’élément intentionnel

L’infraction de simulation de souscriptions ou des versements et l’infraction de publication de faits faux requièrent, pour leur commission, la constatation de l’intention frauduleuse de leurs auteurs. Ceci résulte suffisamment de l’emploi : « sciemment ».

L’intention délictueuse revêt, ici, selon nous, un double caractère. Les auteurs ne seront poursuivis que s’ils ont agi sciemment, en toute connaissance du caractère fictif des souscriptions ou versements qu’ils déclaraient réels et sincère et de la fausseté des faits qu’ils publiaient comme vrais et, en second lieu, qu’ils ont agi dans une intention frauduleuse, dans le but précis d’obtenir grâce à leur mensonge, de nouvelles souscriptions ou de nouveaux versements.
Il en résulte qu’aucune poursuite pénale ne pourra être dirigée contre l’auteur de la publication incriminée, si celui-ci parvient à établir contre l’auteur qu’il ignorait l’inexactitude des déclarations qu’il produisait. Ainsi l »infraction ne sera consommée si elle n’avait pas pour but de provoquer des souscriptions et des versements.

B. Personnes punissables

Seront poursuivis comme auteurs principaux ceux qui sciemment auront obtenu ou tenté d’obtenir des souscriptions ou des versements, soit au moyen de souscriptions ou des versements simulés, soit en publiant des faits dont ils savaient faux.
Seront ainsi poursuivis les fondateurs, administrateurs ou gérants. Le fondateur occulte qui cache sa véritable qualité derrière un homme de paille, sera poursuivi comme auteur principal.

En principe, toues les personnes qui auront participé à la commission de l’infraction seront impliquées dans l’action pénale à condition qu’elles aient été au courant du caractère mensonger ou du faux de faits publiés ; rappelons que l’organe de direction ou d’administration a l’obligation de vérifier la réalité et la véracité de tous les actes de la société, ainsi il a été jugé qu’un président du conseil d’administration qui n’a pas participé à une assemblée qui rédigé d’une notice mensongère en vue faciliter l’émission d’obligation mais qui connaissant la fausseté des indications mensongères de la notice, ne s’est pas opposé à ce que fût continuée la distribution des exemplaires de cette notice devait être considéré comme « ayant participé à l’infraction ».


C. Complicité

Seront pris pour complices ceux qui ont participé à l’acte de souscription ou de publication incriminé et ont pu en retirer un gain pécuniaire, un individu qui a prêté son nom pour permettre l’établissement des fausses liste des souscriptions, des individus qui mis leurs fonds à la disposition de la société pour permettre d’affirmer, devant le notaire, la libération intégrale du premier quart et les ont retirés par la suite, les banquiers ayant frauduleusement délivré des reçus de complaisance ou ayant participé en connaissance, à l’émission d’actions ou d’obligations incriminées ; auteurs des prospectus ou publications mensongères ; démarcheurs qui, connaissant les vices constitutifs dont est entachée la société ou la fausseté des faits publiés, s’emploient à solliciter des souscriptions ; notaires, dépositaires des fonds, s’ils ont connus l’origine délictueuse de ces fonds, enfin commissaires aux comptes qui de mauvaise foi auront approuvé le bilan destiné la publicité ou fait à l’assemblée générale des déclarations mensongères sur la situation sociale, alors qu’ils savaient que ces déclarations étaient destinés à la publicité.

D. Tentative

Elle est punissable, et doit se manifester par un commencement d’exécution et caractérisée par des actes non équivoques impliquant la recherche des souscriptions ou des versements.

Les peines seront définies par le législateur congolais en application de l’AUSC.

E. L’action civile

Les souscripteurs peuvent intenter une action en réparation de préjudices subis en se constituant partie civile accessoirement à l’action publique devant le tribunal répressif soit à titre principal devant le tribunal civil. Mais seuls les souscripteurs de bonne foi seront recevables devant le juge, quant aux souscripteurs informés du caractère mensonger mais qui ont fournis leurs fonds devront être déboutés de leur demande car nul ne peut se prévaloir de propre turpitude. L’action civile de souscripteurs devra être individuelle.

II.3. Le délit de majoration frauduleuse des apports en nature

Le délit suppose d’une part l’évaluation exagérée de l’apport en nature, c'est-à-dire une surévaluation- évaluation supérieure sa valeur réelle, et d’autre part, l’emploi de manœuvres frauduleuses. Qui apprécie la valeur réelle de l’apport en nature ?

Cette qualité est conférée aux commissaires aux apports. L’assemblée générale constitutive statue sur l’évaluation des apports en nature et les avantages particuliers, dans l’hypothèse d’une société sans appel à l’épargne publique, les statuts contiennent l’évaluation des apports en nature. Pour notre, nous estimons que l’évaluation faite par les commissaires aux apports est basée sur les critères objectifs tandis que l’évaluation décidée par l’assemblée générale risque d’être subjective d’autant plus que la société évalue les apports selon les avantages qu’ils apportent à la société.

Retenons que l’AUSC érige en infraction le fait de surévaluer un apport en nature au-delà de sa valeur réelle. Par exemple un ensemble des ordinateurs apporté par un associé ou un actionnaire vaut réellement 20.000 dollars alors l’apporteur l’estime sciemment avec l’intention frauduleuse à 30.000 dollars.

A. Personnes punissables

Sont considérés comme auteurs principaux ceux qui auront déterminé, par leurs manœuvres, l’évaluation excessive et comme complices ceux qui auront prêté concours à celles-ci. Suivant les circonstances de cause, l’apporteur, les fondateurs, les administrateurs, les commissaires et tous ceux qui auront favorisé ou participé à la préparation de l’infraction.

B. Tentative

Elle n’est pas punissable ; si les démarches étaient entreprises par l’apporteur ou les fondateurs pour provoquer une surévaluation de l’apport, celles-ci ne pourraient donner lieu à des poursuites judiciaires.

C. Action civile

L’action civile peut être exercée par les victimes du délit. Ce sera la société elle-même puisque par des manœuvres frauduleuses, elle a été amenée à donner un apport qui lui est fait une valeur supérieure à la réalité, et les tiers qui auront adhéré ou traité avec la société en raison précisément de la présence des apports majorés.

Chapitre 3. Le délit de négociation des titres

Article 888 de l’AUSC :

« Encourent une sanction pénale, ceux qui auront sciemment négocié :

1°) des actions nominatives qui ne sont pas demeurées sous la forme nominative jusqu'à leur entière libération ;
2°) des actions d'apport avant l'expiration du délai pendant lequel elles ne sont pas négociables ;
3°) des actions de numéraire pour lesquelles le versement du quart du nominal n'a pas été effectué ».

A. Eléments constitutifs

Ce délit sanctionne pénalement la négociation d’actions ou de promesses d’actions lorsque les titres faisant partie de l’objet de cette négociation sont irréguliers ou lorsque la loi interdit formellement cette opération.

La négociation s’entend par transmettre une propriété à une personne par les voies commerciales suivantes :

• transfert : mode ordinaire de cession des titres nominatifs qui se réalise par l’inscription sur le registre de la société par laquelle l’aliénateur reconnaît avoir transposé la propriété de ses titres à un tiers ;
• endossement : ne s’applique qu’à titres à ordre ;
• tradition : remise du titre de la main à la main possible pour les titres au porteur .

La mauvaise foi est requise. La tentative n’est pas punissable n’étant pas incriminée. L’action civile se déroule selon le droit commun.

Titre 4. Les infractions relatives à l’administration et à la direction des sociétés

Ces infractions sont relatives au fonctionnement des sociétés. Les personnes poursuivies sont les dirigeants sociaux : les administrateurs, les gérants, les directeurs et leurs complices.



L’article 889 de l’AUSC est ainsi conçu :

« Encourent une sanction pénale, les dirigeants sociaux qui, en l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaire frauduleux, auront, sciemment, opéré entre les actionnaires ou les associés la répartition de dividendes fictifs ».
I. Eléments constitutifs
Le délit suppose la réunion de quatre éléments : l’absence d’inventaire ou l’utilisation d’inventaire frauduleux, la répartition effective des dividendes, la fictivité des dividendes, et un élément intention intentionnel.
A. Absence d’inventaire ou utilisation d’inventaire frauduleux
S’agissant de l’interprétation d’un texte de droit pénal qui doit être restrictive, il importe de définir exactement la portée des notions de l’absence d’inventaire ou de l’inventaire frauduleux car, à défaut de la réalisation de l’une ou de l’autre de ces conditions, l’infraction ne sera pas perpétrée en raison du défaut de l’un de ses éléments constitutifs.
Par absence d’inventaire, le législateur OHADA vise tout d’abord le cas, qui peut être considéré comme présentant qu’un intérêt théorique, où il est procédé à la distribution d’un dividende sans qu’une situation comptable de la société afférente au dernier exercice fût préalablement établie.

Plus pratique est le cas où il est procédé la distribution d’un dividende après l’établissement d’un bilan qui n’a pas été précédé de la confection d’un inventaire. La Cour de Cassation française a juste titre décidé que le bilan devait être assimilé à l’inventaire . Il en résultait que l’absence d’un inventaire proprement dit ne suffisait pas pour constituer l’élément requis par la loi dès lors que le bilan à été dressé.
Disons aujourd’hui que, malgré la seule mention de l’inventaire, il faut sous-entendre celle du bilan, du compte d’exploitation générale et du compte des pertes et profits. Nous pensons que l’on ne peut séparer arbitrairement l’inventaire du bilan et des comptes de résultats.
L’hypothèse de l’utilisation d’un inventaire ou bilan frauduleux est évidemment plus fréquente. On doit entendre, par là, non seulement l’inventaire ou bilan inexact, c’est à dire non conforme aux données de la comptabilité, mais également celui dont l’inexactitude ne réside que dans le défaut ou l’insuffisance des amortissements et des provisions.

En réalité, il est impossible de parler d’un inventaire frauduleux, la fraude étant par définition un élément intellectuel, caractérisé par l’intention d’un individu. Elle ne peut résider dans les caractéristiques propres d’un document. Celui-ci peut être exact ou inexact seule l’intention des rédacteurs de l’Acte uniforme peut consister dans le désir de commettre une fraude. Pour le comprendre aisément rappelons que le terme « frauduleux » n’avait été inséré dans le texte de l’article 15, al.4, de la loi de 1867 (loi française originelle instituant les incriminations en matière des sociétés) que pour déduire que l’infraction supposait la mauvaise foi, celle-ci n’étant pas mentionnée séparément ; mais aujourd’hui cette raison n’est plus à démontrer puisque l’Acte uniforme fait état explicitement de l’intention délictueuse.

Il aurait été mieux de parler d’inventaires inexacts puisque ce que l’Acte uniforme incrimine, c’est de se servir sciemment de bilans inexacts. L’inventaire ou le bilan frauduleux dont on parle n’est donc qu’un inventaire ou un bilan inexact, étant entendu que l’utilisation de cet inventaire doit être faite de mauvaise foi comme le confirme le mot « sciemment ».

En matières de distribution des dividendes fictifs, les inexactitudes du bilan présentent ce caractère particulier qu’elles doivent se traduire nécessairement par une majoration des postes de l’actif ou par une minoration des postes du passif, de manière à faire apparaître un bénéfice qui, en fait, n’existe pas, ou de manière à grossir artificiellement le montant du bénéfice .
Que dire alors des principes d’établissement des bilans ? Sans entrer dans les stricts détails, rappelons brièvement ces principes.

Un bilan doit d’abord respecter la règle de l’indépendance des exercices, en vertu de laquelle il doit être procédé chaque année à une liquidation permettant d’apprécier s’il y a ou non des bénéfices. Elle se traduit, au point de vue de l’établissement des inventaires et des bilans, par l’obligation de faire supporter à l’exercice qui en profite les dépenses effectuées et seules celles qui concernent plusieurs exercices peuvent figurer à l’actif pour s’amortir en plusieurs années.

Il obéit en second lieu à la règle essentielle de la fixité du capital qui établit une solidarité entre les exercices et qui interdit de procéder à toute distribution, quel qu’en soit le montant, en l’absence des bénéfices, à laquelle s’ajoute l’obligation de constituer des réserves statutaires ou facultatives qui tendent à assurer une solidarité des exercices basés sur l’avenir tandis que la règle de la fixité du capital établit une solidarité quant au passé.
Le troisième principe est celui de l’exactitude et de la sincérité suivant lequel il doit être procédé aux amortissements et à des provisions, même en ‘absence de bénéfices, pour que l’évaluation des valeurs d’actif soit conforme à leur valeur effective.

Le bilan obéit, enfin, à la règle de l’actualité qui s’entend de la nécessité de se placer, pour déterminer la consistance des éléments actifs et passifs du patrimoine social, au jour de la clôture de l’exercice annuel. Il est évident que les fraudes, destinées à falsifier les bilans et à faire apparaître des bénéfices à la place des pertes, ou à majorer les bénéfices, sont nombreuses et variés. La jurisprudence fournit des exemples suivants :
• surévaluation des immobilisations ;
• inscription, dans les immobilisations, des frais généreux considérés comme frais de premier établissement lorsque ces frais généraux n’étaient que dans dépenses courantes de l’année qui devaient s’inclure dans les charges d’exploitation ;
• actif artificiel par la majoration de la valeur dans titres en portefeuille ;
• actif artificiel par la surévaluation des stocks ou par la simulation des stocks inexistants ;
• absence de provision pour des pertes certaines ;
• maintien à l’actif des effets de commerce douteux ;
• maintien des créances sur les tiers alors qu’elles sont devenues irrécouvrables ;
• omission d’amortissements.
L’absence d’inventaire ou son inexactitude ainsi que celle des autres comptes sociaux constituent une des conditions nécessaires de l’application de l’article 889 de l’AUSC.

B. La fictivité des dividendes

Beaucoup d’auteurs à juste titre, ont fait remarquer l’inexactitude de cette formule. Un dividende, c’est la fraction des bénéfices nets attribuée annuellement aux actionnaires, ne peut en réalité être fictif en lui-même ; ce qui peut être fictif, c’est le bénéfice net ainsi distribué.
La fictivité des dividendes distribués implique que les dividendes ont été repartis en l’absence des bénéfices. Mis quel sens convient-il d’attribuer aux termes « dividendes fictifs» employé par le législateur OHADA ?

Avant la loi française de 1966, et depuis 1937, deux thèses s’opposaient. Selon nous, sont considérés comme « dividendes fictifs », les dividendes prélevés sur le capital social, c’est à dire les distributions de sommes qui n’étaient pas représentés par un excédent de l’actif sur le passif. Mais certains doctrinaires affirment qu’il ya dividendes fictifs toutes les fois que le dividende est distribué sur les bases d’un bilan inexact faisant ressortir un bénéfice supérieur à celui effectivement réalisé au cours de l’exercice.

Nous pensons que le dividende, qui par définition ne doit et ne peut représenter qu’une fraction ou la totalité des bénéfices nets est fictif lorsque le bénéfice net annuel ou accumulé est inexistant, de sorte qu’en fait le dividende se trouve prélevé sur le capital social. Fictivité et inexactitude sont deux mots que nous refusons de confondre.

Le dividende n’est pas fictif toutes les fois que les redressements nécessaires laissent subsister un bénéfice net suffisant pour permettre la distribution d ce dividende. Il doit en être ainsi non seulement dans le cas où les inexactitudes ne portent que sur la répartition des éléments de l’actif t du passif (qualification inexacte de certains postes) mais également dans le cas où la majoration de certains postes de l’actif est compensée par la majoration de certains postes. Seule la réserve légale doit être considérée comme assimilée au capital et comme non susceptible de distribution puisqu’elle constitue un véritable prolongement de celui-ci et qu’elle ne pouvait être touchée qu’en vue de compenser des pertes.

Les réserves statutaires, extraordinaires ou facultaires, pensions-nous, ne font pas partie du capital et doivent pas lui-même assimilées, car il s’agit là de sommes prélevées sur des bénéfices antérieurs que la société a conservées à sa disposition et dont l’assemblée générale peut librement faire emploi à son gré si elles ne sont pas grevées d’une affection spéciale.

Supposons que qu’un bilan fasse apparaître un bénéfice net résultant des opérations de l’exercice et que les redressements opérés en vue d’établir la fictivité du bilan fassent constater que ce bénéfice net est en réalité inexistant, il subsiste, néanmoins une réserve légale, d’une part, et une réserve facultative à affectation spéciale, d’autre. Si on l’impute sur la réserve légale, le dividende est fictif, le sera-t-il aussi si la réserve spéciale est suffisante pour le distribuer. Nous pensons que la réponse sera négative.
C. Quid des réserves occultes

On s’était longtemps demandé si le dividende distribué devait être réputé fictif lorsqu’il existe des réserves occultes. Certaines sociétés en effet constituent parfois de réserves occultes qui n’apparaissent pas à l’inventaire et au bilan et entrainent nécessairement l’inexactitude de divers comptes (évaluation défectueuse des stocks exagération du taux d’amortissement…). Cette pratique qui dans certain cas pouvait n’être pas considérée comme malsaine, se heurtait déjà aux dispositions de l’art. 15-5 de la loi française du 24 juillet 1867 visant la présentation du bilan inexact qui ont été reprises en droit ohada dans l’article 890 de l’AUSC.

Quoi qu’il en soit, nous nous exprimons ainsi dans notre étude sur l’imputation des dividendes sur les réserves et la notion de dividende fictif.
La tendance de la jurisprudence et celle de la doctrine étaient, tout au moins avant l’arrêt léonard, d’admettre que, même à défaut de bénéfice nets, le dividende distribué n’était pas fictif s’il pouvait être prélevé sur des réserve occultes, résultant du fait que certains postes actifs du bilan ont été minorés ou qu’au contraire certains postes du passif ont été majorés, par exemple par suite d’amortissements exagérés.

Mais on était généralement d’accord pour estimer au contraire que le dividende est fictif toutes les fois que les réserves occultes sont constituées par de simple différences de cours sur marchandises en magasin ou sur titres en portefeuille ou par de simples plus-values sur la valeur des immobilisations. Le dividende distribué doit être réputé fictif s’il n ya pas de bénéfices nonobstant l’existence de réserves suffisantes ; une distribution de réserves ne pourrait être considéré comme régulière qu’à la condition d’être opérée en pleine connaissance de cause, c’est à dire qu’elle est expressément autorisée par les statuts ou par l’assemblée générale des actionnaires.

Ne pourront être repartis entre les actionnaires, sous forme de dividende, que le bénéfice distribuable afférent à l’exercice considéré et les sommes que l’assemblée générale aura décidé de prélever sur les réserves dont elle a disposé. Tout dividende distribué en violation de ces règles est réputé fictif.
D. La distribution effective de dividendes

Le troisième élément de l’infraction est un acte de distribution. Cette condition est essentielle, il importe de préciser ce qu’il faut entendre par distribution ou répartition effective, la tentative de l’infraction n’étant pas punissable. La jurisprudence tend à s’affirmer que par répartition de dividende, il faut entendre l’acte qui met le dividende à la disposition des actionnaires, de telle sorte que la perception ne dépend plus que de leur volonté, la perception individuelle, par chaque actionnaire du dividende afférent à ses actions, n’ajoute rien à l’acte de la mise du dividende à la disposition des actionnaires qui a pour effet de créer à leur profit un droit privatif sur le dividende.
1. L’élément intentionnel

La doctrine était unanime, dans l’état antérieur du droit, à reconnaître dans l’infraction de distribution des dividendes fictifs, une infraction intentionnelle, comportant nécessairement l’élément de mauvaise foi bien que celle-ci ne soit pas expressément exprimée dans l’esprit de la loi. Nous avons démontré que la mauvaise foi se déduit des termes « inventaire frauduleux », « dividendes frauduleux » et de l’assimilation de l’infraction de distribution de dividendes fictifs à l’infraction d’escroquerie, au moins en ce qui concerne la répression.
L’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique a bien sanction cette doctrine en insérant le terme : « sciemment ».

Cette précision tend à marquer à l’évidence le caractère intentionnel de cette infraction qui nécessite la preuve d’une intention délictueuse. La nécessité de rapporter la preuve de l’intention frauduleuse exclut l’existence d’une présomption de mauvaise foi, du moins n’en est-il pas moins vrai que la tâche du ministère public sera facilitée dans le cas de la distribution de dividendes en l’absence d’inventaire, car les administrateurs ne peuvent alléguer qu’ils connaissaient avec certitude la réalité du bénéfice.

Cela n’est pas sans doute la même chose que la connaissance de son inexistence, mais il sera particulièrement facile d’établir que les dirigeants sociaux, à moins qu’il s’agisse de personnes d’une incompétence totale, n’ignoraient pas le caractère, sinon fictif, du moins aléatoire et incertain des bénéfices mis en distribution.
L’intention délictueuse, en matière de répartition de dividendes fictifs, consiste dans la connaissance de l’inexactitude du bilan et de la fictivité du dividende mise en distribution. Comme il a été jugé le tribunal correctionnel de la seine du 25 juin 1951, le mobile n’entre pas en considération, ni l’absence de clandestinité.

Le seul problème a résoudre est celui de savoir si le président d’une société, en s’écartant délibérément des règle d’une seine administration des intérêts qui lui sont confiés, a consciemment enfreint les disposition protectrices de la loi ; celle-ci tendent essentiellement a sauvegarde le gage des créanciers et a assurer la sécurité de l’appel au crédit en même temps qu’a garantir une exacte information des actionnaire. Les prévenus peuvent toujours prouver leur bonne fois.


2. La répression de l’infraction de distribution de dividendes fictifs

Signalons que cette étude est réalisée alors que la RDC n’a pas encore pris une loi portant répression des infractions instituées par l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.



Chapitre 2. Le délit Le Délit de présentation ou publication de comptes sociaux ne donnant pas une image fidèle de la société

Article 890 de l’AUSC :

« Encourent une sanction pénale, les dirigeants sociaux qui auront sciemment, même en l'absence de toute distribution de dividendes, publié ou présenté aux actionnaires ou associés, en vue de dissimuler la véritable situation de la société, des états financiers de synthèse ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle des opérations de l'exercice, de la situation financière et de celle du patrimoine de la société, à l'expiration de cette période ».

La présentation ou la publication de comptes inexacts, c’est-à-dire qui ne donnent pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice, de la situation financière et du patrimoine de la société à l’expiration de cette période, est réprimée.

Par comptes, il faut entendre le bilan, le compte de résultat et l’annexe ou tous les documents comptables. Cette notion d’image fidèle n’a jamais été expressément définie.

Cette notion s’apprécie essentiellement en vérifiant l’application des règles qui encadrent la présentation et le contenu des comptes (le principe de régularité et de sincérité, de prudence, de continuité de l’exploitation, de la permanence des méthodes comptables, de l’annualité et de l’indépendance des exercices).

On peut recenser trois grandes catégories d’inexactitudes :

o les inexactitudes dans la composition du bilan, du compte de résultat ou de l’annexe ;
o les inexactitudes dans l’évaluation de leurs éléments (exemples : majoration de l’actif social et/ou diminution du passif, ou minoration de l’actif et/ou majoration du passif social) ;
o et les inexactitudes dans la présentation de leurs postes.

Exemples :

La comptabilisation à l’actif du bilan de plus-values non acquises ou fictives : comme des plus-values de cession imaginaires ou non encore réalisées au cours de l’exercice social concerné ; défaut de provision ou insuffisance des provisions, ce qui conduit à majorer les résultats de la société.

Le défaut d’amortissement des immobilisations : ce qui entraîne une évaluation inexacte des éléments d’actifs et donc l’inexactitude des comptes sociaux. La diminution ou surévaluation de stocks, factures fictives. En résumée, l’infraction est caractérisée par le caractère erroné des informations, leur insuffisance ou leur omission.

Par présentation, il faut entendre la simple soumission des documents aux associés, la décision de ces derniers étant indifférente. Ainsi, il importe peu que l’assemblée générale ait rejeté les comptes présentés. La communication des comptes à un seul actionnaire ne suffit pas à caractériser leur présentation.

L’auteur de l’infraction doit avoir agi sciemment et connaître l’inexactitude qui vicie les comptes litigieux. Par contre les mobiles ayant guidé l’auteur du délit sont sans incidence sur la constitution de l’infraction. Le dirigeant ayant présenté ou publié des comptes non sincères pour préserver la continuité de l’activité sociale n’en serait pas moins coupable.

La répression du délit est assez large, puisqu’elle concerne les dirigeants de droit et de fait auteurs des faits, mais également leurs complices.
A titre d’auteur principal, l’AUSC, vise les gérants de sociétés à responsabilité limitée, les présidents, administrateurs ou directeurs généraux des sociétés anonymes, des sociétés européennes ou sociétés par actions simplifiées, les membres du directoire, les gérants des sociétés en commandite par actions.

A titre de complice, peuvent notamment être poursuivis :

• les membres du conseil de surveillance dans les sociétés à forme de directoire qui ont présentés les observations prévues par la loi ;
• les administrateurs en fonction à l’époque de la préparation ou de l’établissement des comptes sans l’être au moment de la présentation ou de la publication ;
• les directeurs ayant participé en connaissance de cause à la confection du faux bilan ;
• l’expert comptable qui utilise divers artifices pour faire apparaître des situations ne correspondant pas à la réalité.

En outre, en se constituant partie civile, la victime peut demander la réparation du préjudice que lui a directement et personnellement causé cette infraction.

Chapitre 3. Le délit d’abus des biens sociaux, des crédits ou des pouvoirs sociaux

Article 891 de l’AUSC :

« Encourent une sanction pénale le gérant de la société à responsabilité limitée, les administrateurs, le président directeur général, le directeur général, l'administrateur général ou l'administrateur général adjoint qui, de mauvaise foi, font des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savaient contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles ou morales, ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés, directement ou indirectement ».

L’abus des biens sociaux (l’ABS) n’est incriminé que dans certaines sociétés. Ce sont nécessairement des sociétés de capitaux : SA, SARL…il faut toujours avoir en tête la théorie de la séparation des patrimoines. La société est une personne morale autonome qui a son patrimoine propre ; les dirigeants doivent gérer le patrimoine de la société en leur qualité mais ils ne sauraient confondre leur patrimoine social avec leur patrimoine personnel.

C’est un délit formel : on n’a pas besoin de préjudice (contrairement à l’Abus de confiance)

I. Les conditions préalables

II. Les sociétés cadres du délit

A. Délit incriminé que dans les sociétés de capitaux

Dans les sociétés de personnes les sociétés sont solidairement, personnellement et indéfiniment responsables des dettes sociales. Mais dans les sociétés de capitaux, les dirigeants ne st pas personnellement responsables des dettes sociales. Cela ne lie pas que les dirigeants de sociétés de capitaux qui détournent st à l’abri de poursuites pénales : il y a l’abus de confiance car sont des mandataires.

III. La qualité de l’agent

C’est le dirigeant auteur de l’acte contraire qui sera seul responsable en qualité d’auteur responsable du délit. La complicité suppose un acte positif de complicité. On ne peut pas se rendre complice par abstention (pas de commission par omission). Mais en DPA, il y a des dérogations jurisprudentielles :

Un président de société qui sait qu’un administrateur se livre à un ABS et qui ne dit rien pourra être accusé de complicité d’ABS au motif que les pouvoirs de président lui permettent d’empêcher le développement du délit.

B. Elément intentionnel

Il faut qu’il ait connu l’infraction qu’il n’a pas empêché
Il faut qu’il ait eu le pouvoir d’empêcher.

Section I. Etude des éléments constitutifs du délit
I. Elément matériel

L’élément matériel est l’un des plus complexes : le délit pose un acte d’usage des biens ou du crédit de la société contraire à l’intérêt de celle-ci.

A. L’acte d’usage des biens ou du crédit de la société

1) l’acte d’usage

L’acte d’usage lui-même est un acte d’usage peut être un acte de disposition (le dirigeant utilise les fonds sociaux comme ses propres fonds) ou un acte d’administration (une société donne en location un appartement qui lui appartient et ne fait pas payer le loyer car locataires sont des personnes proches du dirigeant).

Comme le texte vise un acte d’usage, la méthode pénale d’interprétation pose qu’il faut un acte positif d’usage, ainsi en principe, le délit ne peut se commettre par une omission ou une abstention (pas de commission par omission). Cette solution semble ne pas être respectée par la jurisprudence : certains arrêts retiennent la qualification à l’encontre de dirigeant qui en recouvre pas des créances qu’ils ont dans d’autres sociétés car ils ont des intérêts dans ces sociétés (ne pas recouvrer une créance équivaut à une abstention).

La jurisprudence retient ici la qualification d’abus de pouvoir sociaux. On peut mal user de ses pouvoirs négativement ou positivement. Il faut que l’acte d’usage soit un acte consommé car le texte n’incrimine pas la tentative de l’abus de biens sociaux. L’acte tenté n’est pas pris en compte.

Toutefois, cette restriction subit des atténuations de deux genres : dans certains cas la jurisprudence a recours à l’abus de pouvoir sociaux (par ex, un dirigeant de société a une dette personnelle à payer, il émet un chèque de règlement sur le compte social. Or le compte de la société est insuffisant. Le délit est donc manqué.

Pour toute la qualification d’abus de pouvoir sociaux est retenue car il ne devait pas émettre ce chèque). De plus, jurisprudence selon laquelle il peut suffire pour que le délit soit constitué que l’actif social ait été exposé à un risque de perte auquel il n’aurait pas du être exposé (par ex, un dirigeant de société fait un emprunt personnel. La banque demande une caution, la société se porte caution.

Le dirigeant rembourse normalement son emprunt, la société n’a donc pas besoin de garantir. Toutefois, le dirigeant peut être poursuivi au seul motif que l’actif social a été exposé à un risque de perte puisque la caution d’un dirigeant par sa société est interdit). Même si la société n’a souffert aucun préjudice patrimonial.

B. Les biens ou crédit de la société

Par biens de la société il faut entendre : bien meuble ou immeuble. Depuis longtemps, admet le délit à l’égard de biens incorporels (détournement de clientèle…) mais dans ce cas elle retient l’abus de pouvoir sociaux.

Le crédit de la société est la confiance qui est faite à la société à raison de ses affaires et à sa puissance financière (par ex, dans le cautionnement, quand la caution ne paie pas, il n’y a pas d’abus de biens, mais un abus de crédit sociaux)


C. Le caractère contraire à l’intérêt de la société à l’acte d’usage

Le caractère contraire c’est le cœur de la qualification. Comment apprécier ce caractère contraire ? On pourrait se dire qu’il n’y a qu’à prendre l’acte d’usage et voir s’il est contraire à l’acte de la société. Mais c impossible en pratique car il existe un principe de spécialité des pers morales commerciales tant et si bien que l’intérêt des sociétés varie de sociétés à sociétés. Ainsi, alors qu’au départ on exposait l’acte contraire avec une liste d’exemples, aujourd’hui les axes directeurs sont les suivants : puisqu’on ne peut se caller sur une notion constante de l’acte contraire, on va se caller sur des notions moins variables : l’objet de la société + le patrimoine social de la société.

En pratique, la construction jurisprudentielle conduit à distinguer selon que l’on se trouve dans une société simple ou unique ou dans le cadre d’un groupe de sociétés.


1) société simple ou unique

Dans ce cas, pour qualifier le caractère contraire on va se référer à l’objet social, au patrimoine social. En pratique cela fait que la qualification peut jouer dans trois séries de cas complémentaires :

1) cas dans lequel la dépense sociale est étrangère à l’objet social ;
2) cas dans lequel la dépense sociale entre, a priori dans l’objet de social (paiement de salaires), mais où il apparaît à l’examen qu’elle est sans contrepartie ou ne sert que les intérêts personnels des dirigeants ;
3) cas dans lequel l’actif social a été exposé à risque de perte auquel il n’aurait pas du être exposé.

1) Dépense étrangère à l’objet social

La dépense qui n’entre pas dans l’objet social tel que fixé dans les statuts. Par exemple, une société fabrique des vêtements de sports. Elle achète des parts de jeu de hasard. Cette dépense est étrangère à l’objet social. Il faut cependant poser une distinction : si l’acquisition des parts de loterie a été faite pour satisfaire la passion personnelle du dirigeant pour le gain, cette dépense est un acte contraire à l’intérêt de la société (théorie de la séparation des patrimoines) car l’argent social sert à une dépense personnelle / si les parts de loterie ont permis à la société d’inviter à la chasse les gros acheteurs de la société qui sont des fans de chasse et si au cours de ce jeu de hasard des commandes ont été passées à la société, dans ce cas, cette dépense a une contrepartie pour la société : les commandes qui lui sont passées.

Ces deux solutions de principe demandent à être nuancées. Le 1er principe de solution dégagé : on pourrait croire que la dépense est nécessairement contraire à l’intérêt de la société. En réalité, une dépense n’entrant pas dans l’objet social et servant les intérêts personnels du dirigeant n’est pas forcément contraire à l’intérêt de la société : Une SARL fabriquant des dentelles achète sur fonds sociaux des parts de SCI qui n’entrent pas a priori dans l’objet social. Mais il s’agit d’achat de deux immeubles : l’un pour loger le dirigeant lui-même, l’autre pour loger sa mère du dirigeant.

Les premiers juges ont retenu la qualification d’abus de biens sociaux, décision cassée au motif qu’il ne s’était pas assez expliqué sur le caractère contraire. Il peut être ds l’intérêt d’une société de dentelles d’investir dans la pierre. Dès lors la qualification n’est possible que s’il est établit qu’il n’y avait aucune contrepartie pour la société dans l’investissement.

Le 2nd principe de solution : hypothèse dans laquelle une société utilise les fonds sociaux pour procéder à des corruptions d’agents publics afin d’obtention de marché. La corruption est un acte nécessairement étranger à l’objet social.

Une société ne peut avoir pour objet la corruption !
Dans cette hypothèse, jusque dans les 80’s, le système jurisprudentiel prônait la solution suivante : il y a corruption, mais à raison de la contrepartie (obtenir le marché pour la société), il n’y a pas abus de biens sociaux.

On ne peut donc poursuivre que pour corruption. La prescription de l’abus de biens sociaux est retardée dans les poursuites par rapport au moment de commission du délit. D’où évolution jurisprudentielle : Chambre criminelle 22 avril 1992 « l’usage des biens sociaux est nécessairement abusif si il est fait dans un but illicite : la corruption ».

Cet arrêt a suscité un émoi général dans le monde des affaires car on en pouvait avoir de marchés sans corrompre. Les critiques ont été les suivantes : la qualification d’acte contraire n’est pas admissible car il y a contrepartie. De plus, dans cette hypothèse, le dirigeant sert l’intérêt de la société en essayent d’emporter le marché.

La Chambre criminelle a donc réagi (Crim 11 janvier 1996) : un hôtel restaurant (SARL). Au cours d’un contrôle, on constate la constitution d’une caisse noire. Celle-ci sert à 25% a rémunéré des employés non déclarés. Pour les 75% restants, ils ont servis aux dépenses personnelles. Dans cette affaire, les 25% de la caisse noire avaient un caractère illicite car ils allaient de paire avec une fraude fiscale et sociale. Le délit d’abus de biens sociaux n’a pour tant été retenu que pour les 75% restants car pour les 25% il y avait contrepartie. Arrêt de revirement de l’arrêt d’avril 92.

Le revirement est apparu plus clairement ds Crim 6 février 1997 Affaire Kiss Noir Beuton = le dirigeant de la société Kiss rencontre le gendre du maire de Lyon. Le gendre aurait proposé d’intervenir auprès de son beau-père pr minorer la dette qu’aurait la scté Kiss au regard du trésor. Il s’agissait donc d’un trafic d’influence. Ds cette affaire, les premiers juges ont condamné, mais la Crim a cassé au motif que les premiers juges n’avaient pas suffisamment motivé leur qualification d’acte contraire, car la somme constitutive du trafic d’influence pvait générer une minoration substantielle de la dette de la scté Kiss auprès du Trésor public. Ainsi, une dépense illicite qui peut avoir une contrepartie n’est pas constitutive d’un abus de biens sociaux.

Le 27 octobre 1997, Arrêt Carignon = M. Carignon, maire de Grenoble. La Lyonnaise des eaux avait utilisé la concession des eaux à Grenoble pour corrompre. La Chambre criminelle, dans cet arrêt, revient à la solution de 92 « le délit est constitué au motif que quelque soit l’avantage à court terme qu’elle peut procurer, l’utilisation de fonds sociaux ayant pour seul objet de commettre un délit tel la corruption ou le trafic d’influence est contraire à l’intérêt social en ce qu’elle expose la pers morale à un risque anormal de sanctions pénales pour elle-même et ses dirigeants (sanction de la corruption) et porte atteinte à son crédit et à sa réputation ».

Ainsi, certes, la corruption peut générer une contrepartie pour la société, mais cette contrepartie est annihilée par le risque de la corruption fait courir à la société. Le caractère illicite supprime ce qui peut être tiré de la contrepartie. De plus, surtout sur le plan interne, quand une société est condamnée pour corruption ou délit assimilée elle peut être mise à l’écart des marchés internationaux. La condamnation des dirigeants ou de la société elle-même pour corruption fait qu’elle va perdre des marchés.

2) Dépense n’est pas étrangère à l’objet social

Car elle sert le fonctionnement de la société (paiement de salaires, de matériels, d’avocats…), mais il apparaît à l’instruction que cette dépense est en réalité une dépense soit sans contrepartie pour la société, soit qui ne sert que l’intérêt personnel des dirigeants. Par exemple, une société achète du matériel, des ordinateurs, sur fds sociaux, mais les ordinateurs finiront au domicile personnel du dirigeant.

Des hypothèses plus sophistiquées : des sociétés acceptent d’acheter des biens, des prestations de services pour des sommes très importantes. Ces biens sont surfacturés. Il n’est pas de l’intérêt de la société de surpayer ce qu’elle achète. Dans ce cas on a le système des rétro commissions : celui qui, aura été payé, rétrocède sur un comptes, dans un paradis fiscal, les sommes que les dirigeants ont accepté de payer.

De mm, salaires fictifs : la société rémunère, à titre de salarié, une pers qui en réalité ne travaille pas pou la société. Encore, problème des rémunérations excessives des dirigeants (rémunération partiellement sans compte et donc sans contrepartie). Enfin, les dirigeants sociaux peuvent être pénalement responsables.

Pour de multiples infractions. En DPA, les instructions sont souvent longues et complexes. C’est à ce stade que la défense est la plus importante. Le dirigeant qui est mis en cause pour la responsabilité pénale à raison de son activité dirigeant a besoin d’être défendu. Quand un dirigeant est pénalement défendu peut-il faire rémunérer ses avocats par la société ou doit-il payer les honoraires sur ses deniers personnels ? la solution de principe est la suivante : la responsabilité pénale est une responsabilité éminemment personnelle, le dirigeant doit donc payer avec ses propres deniers.

Mais les avocats peuvent, au bout de la durée de l’infraction, obtenir un non lieu. Dans ce cas, il n’y a donc pas lieu à poursuite pénale et donc les poursuites pénales à l’encontre du dirigeant n’ont pas été faites pour son fait personnel. Dans ce cas il pourrait y avoir remboursement du montant des honoraires payés aux avocats par la société.



3) Actif social a été exposé à un risque de perte auquel il n’aurait pas du être exposé.

Par exemple, caution qui n’a pas eu à jouer. Mais il faut savoir que cette motivation de principe de la Chambre criminelle a été très critiquée car elle permet au juge pénal de se faire juge de la gestion, or cette compétence revient normalement au juge commercial.

2) le groupe de sociétés

Dans ce cas, il faut se demander pourquoi on adopte un mode qualification particulier ? Pourquoi est-il particulier ? Le groupe de société correspond à une réalité éco et fiscale indéniable. Il n’existe pas de notion juridique du groupe de société. Il n’a pas la personnalité morale ce qui a pour conséquence qu’en présence d’un groupe on a une juxtaposition de sociétés reliées entre elles par l’idée de groupe, mais pas de reconnaissance juridique. Or il arrive souvent qu’une société du groupe prête un concours financier à une autre société du groupe qui est dans une situation financière moins bonne.

Si face à cette situation on raisonne dans le cadre des sociétés simples on constate qu’il n’est pas de l’intérêt d’une société qui a de la trésorerie de la prêter à une autre société en difficulté.

Ainsi, si on appliquer le critère commun de qualification en cas de concours financiers dans un groupe de sociétés on aurait un abus de biens sociaux et le concours financier serait interdit. C’est pourquoi on a un autre mode de qualification pour le groupe de sociétés : on va se caller non pas par rapport à l’intérêt financier de la société qui prête concours, mais par rapport à l’intérêt commun du groupe (affaire Vilo 1974).

En 1985, la Chambre criminelle a consacré la solution initiée en 1974 dans son arrêt Rozemblum. Dans cette affaire, la Chambre criminelle a déclaré que « pour échapper à l’application du texte d’incrimination, le concours financier apporté par les dirigeants d’une société à une société autre entreprise du mm groupe doit être dictée par un intérêt éco, social ou financier commun, apprécié au regard d’une politique élaborée pour l’ensemble de ce groupe et ne doit pas être démunie de contreparties ou rompre l’équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées, ni excéder les possibilités financières de celles qui en supportent la charge ».


2° Il faut que le concours financier ne soit pas démuni de contrepartie. Si c un prêt d’argent, mieux vaut qu’il soit avec intérêt. Si c une caution, mieux vaut que son octroi soit compensé par d’autres avantages.

3° Il ne faut pas que le concours financier dépasse les moyens financiers de la société du groupe qui consent le concours. Si elle doit emprunter pour lui prêter c que ça dépasse ses moyens financiers.

II. Elément intentionnel

L’élément intentionnel est doublement requis = acte contraire à l’intérêt de la société doit avoir été fait de mauvaise foi, à des fins personnelles directes ou indirectes (pour favoriser une société dans laquelle le dirigeant à des intérêts personnels directs ou indirects).

La nature de l’intérêt personnel : il peut être patrimonial, mais il peut être aussi moral selon une jurisprudence constante. Par exemple, le fait de verser à des dirigeants sortants des indemnités qui n’avaient pas de contreparties, de causes dans le seul souci de garder de bonnes relations avec eux. De même, comme le montre l’arrêt Carignon, l’intérêt personnel peut être le souci d’entretenir de bonnes relations avec un homme politique influent.

Dès que l’acte contraire peut servir l’ego du dirigeant. Ainsi, l’intérêt personnel a un rôle souvent très réduit dans la qualification. Dès lors qu’on aura pu qualifier l’acte contraire, la plupart du tps, cette qualification une fois faite, on considèrera que toutes les exigences de la qualification sont satisfaites.