vendredi 6 mai 2011

Les droits et obligations du commissaire aux comptes : esquisse d’un droit pénal des commissaires aux comptes


                                 Don José MUANDA NKOLE wa YAHVE
Directeur du Centre d’Etudes et des Recherches en Droit des Affaires, CERDA, en sigle.
Docteur en Droit des Affaires et spécialiste du Droit pénal des sociétés issu de l’OHADA, Professeur d’Universités, Avocat à la Cour, Formateur et Vulgarisateur du Droit OHADA en RD Congo, Coordonnateur de la Fédération des Associations et Clubs OHADA de la République Démocratique du Congo (FENACO). Cofondateur du Club OHADA du Graben ( Université Catholique du Graben, première université du Nord Kivu à s’impliquer dans la vulgarisation du Droit OHADA dans la province où il est professeur visiteur (UCG), Nord Kivu.
 
Les droits et obligations du commissaire aux comptes : esquisse d’un droit pénal des commissaires aux comptes

Par

Don José MUANDA NKOLE wa YAHVE
Docteur en Droit des affaires
Professeur des universités




Les fonctions et les champs d’intervention des commissaires aux comptes sont fixés par l'AUSCGIE (Acte uniforme relatif au droit des sociétés et du groupement d’intérêt économique)  aux articles 694 et suivants par le législateur ohadien. En droit congolais des sociétés, le rôle du commissaire aux comptes n'était pas très influent au point que dans la plus part des entreprises tant privées que publiques, les abus  se sont multipliés quant à la gestion de l'information comptable et financière.
Beaucoup de ces entreprises ne tenaient pas une comptabilité conforme aux prescrits du droit comptable ou du plan comptable congolais. Même si les entreprises publiques appliquaient la comptabilité publique, faisant d'elles des services publics d'intérêt général, privant ainsi ces entreprises d'être compétitives face entreprises privées qui parvenaient tant soit peu à observer les règles d'or de la comptabilité. Cette pathologie juridique entravait concomitamment le contrôle sur ces sociétés et de ce fait, le rôle des commissaires aux comptes dans les deux types des sociétés était sensiblement réduit ou, sans exagérer quasi-inexistant.

La même problématique est sans nul doute à craindre avec la transformation des entreprises du portefeuille de l'Etat congolais en sociétés commerciales (certaines sont devenues des établissements ou services publics). Non seulement ces dernières, mais également la crainte est exprimée envers les sociétés commerciales dont les capitaux sont entièrement privés. Il parâit donc nécessaire et impérieux au regard de l'adhésion notre pays à l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), de former et d'informer les comptables, les dirigeants sociaux (PDG, ADG DG, bref les cadres dirigeants des sociétés), les économistes, les juristes ainsi que tous les concernés qui œuvrent en corrélation avec les fonctions des commissaires aux comptes sur la « Corporate Governance » dans le contrôle des fonctions des commissaires aux comptes ainsi que sur la trilogie de la  responsabilité de ces individus chargés du contrôle des sociétés (désigné sous le nom d'organe de contrôle).  
Ces insuffisances au niveau des entreprises :

Ø  altèrent la qualité et la fiabilité de l’information produite ;
Ø  ne permettent pas  d’assurer l’exhaustivité des enregistrements ;
Ø  entachent la régularité et la sincérité des comptes produits;
Ø  favorisent les détournements de biens et les irrégularités dans l’établissement des états   financiers.

Ces insuffisances dans les procédures comptables exercent une incidence néfaste sur la gestion de l’entreprise qui par ricochet engendrent :

Ø  l’absence d’informations susceptibles de toute fiabilité et disponibles à temps opportun et ponctuel ne pouvant ainsi nullement permettre la prise de décisions correctes ;
Ø  des lourdeurs ou les redondances (répétition superflue des tâches) dans les procédures comptables. Les défaillances à ce niveau sont génératrices de pertes de temps et entravent la prise de  décisions à temps opportun.

La problématique qui se pose est sans conteste justifiée en sus, par les évidences ci-après :




v  au niveau des entreprises publiques et/ou para-publiques :

Le défaut de certifier la régularité et la sincérité des comptes tient à la forme statutaire (le statut des entreprises publiques) : les textes qui régissent ces entreprises ont une connotation fortement administrative et juridique. Rendant de ce fait, ces entreprises en dépit de celles qui sont industrielles ou commerciales, des régies ou des services publics ?
Devant considérer avant tout l’intérêt général même mal distribué. Les principaux axes (Achats-Commandes, Budget et autres…) sont préfixés et imposés  aux dirigeants sociaux de ces entreprises.

Ces textes puisque trop juridique soutient le Professeur Léon CONSTANTIN, ne sont pas en même de résoudre les problèmes posés par les procédures comptables voire par le Système  de Contrôle interne.[1] Ce dernier ne peut pas répondre à ses objectifs primordiaux : sauvegarde des actifs ; séparation des fonctions, systèmes de transmission et  de traitement des données comptables. Ce qui explique les nombreux cas de fraude détectés au niveau de bon nombre d’entreprises. Et ce, en dépit de textes juridiques réglementant les divers aspects de la gestion (budgétisation des dépenses, choix des fournisseurs, contrôle des actifs monétaires, etc.).

I. Les sociétés soumises au contrôle des commissaires aux comptes

Les sociétés commerciales soumises au contrôle d’un ou des commissaires aux comptes le sont en raison de la forme de société. L'AUSCGIE impose à certaine catégorie, la désignation d'un ou des commissaires aux comptes et d'un suppléant.
A Titre d'illustration, les sociétés anonymes ne faisant pas publiquement appel à l'épargne sont tenues de désigner un commissaire aux comptes et un suppléant. Les sociétés anonymes faisant publiquement appel à l'épargne sont tenues de désigner au moins deux commissaires aux comptes et deux suppléants.[2]

Le même Acte uniforme dispose que le  premier commissaire aux comptes et son suppléant sont désignés dans les statuts ou par l'assemblée générale constitutive. Dans l'hypothèse du cours de vie sociale, c'est à dire si durant l'établissement des statuts, il n'a pas été désigné un commissaire aux comptes, le commissaire aux comptes et son suppléant sont désignés par l'assemblée générale ordinaire.[3]

Cependant, il est évident que toute entité ou association peut faire appel à un commissaire aux comptes si elle le souhaite.[4]

II. L'objectif de la mission du commissaire aux comptes

La finalité de la mission du commissaire aux comptes est de contribuer à la fiabilité de l’information financière et par la même de concourir à la sécurité de la vie économique et sociale, tant pour les besoins de gestion et d’analyse interne à l’entreprise que pour les besoins de l’ensemble des partenaires ou les tiers intéressé par celle ci. Pour former son opinion sur les comptes, l’auditeur externe procède à un audit en appliquant les normes internationales. Ces contrôles ne seraient être exhaustifs : ils sont faits par des sondages et sont fonction de l’évaluation faite par le commissaire aux comptes de la qualité des systèmes comptables et des contrôles internes en vigueur dans l’entreprise.



A. Les obligations incombant au commissaire aux comptes

Nous pouvons résumer les obligations du commissaire aux comptes comme suit : le commissaire aux comptes certifie que les états financiers de synthèse sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice. Devant faire un rapport  à l'assemblée générale ordinaire, le commissaire aux comptes déclare :
l  soit certifier la régularité et la sincérité des états financiers de synthèse;
l  soit assortir sa certification de réserves ou la refuser en précisant les motifs de ces réserves ou de ce refus.
La mission du  commissaire aux comptes est permanente, à charge pour lui de se garder de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la société et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur. Il  vérifie la sincérité et la concordance avec les états financiers de synthèse, des informations données dans le rapport de gestion du conseil d'administration ou de l'administrateur général, selon le cas, et dans les documents sur la situation financière et les états financiers de synthèse de la société adressés aux actionnaires. En sus, Il fait état de ces observations dans son rapport à l'assemblée générale annuelle. Il doit s'assurer enfin que l'égalité entre les associés est respectée, notamment que toutes les actions d'une même catégorie bénéficient des mêmes droits. Il dresse dans le cadre de ses obligations commissaire aux comptes dresse un rapport dans lequel il porte à la connaissance du conseil d'administration ou de l'administrateur général :[5]
1        les contrôles et vérifications auxquels il a procédé et les différents sondages auxquels il s'est livré ainsi que leurs résultats ;
2        les postes du bilan et des autres documents comptables auxquels des modifications lui paraissent devoir être apportées, en faisant toutes les observations utiles sur les méthodes d'évaluation utilisées pour l'établissement de ces documents ;
3        les irrégularités et les inexactitudes qu'il aurait découvertes ;
4        les conclusions auxquelles conduisent les observations et rectifications ci-dessus sur les résultats de l'exercice comparés à ceux du dernier exercice.
Le rapport est ainsi dressé,  est mis à la disposition du président du conseil d'administration ou de l'administrateur général avant la réunion du conseil d'administration ou de la décision de l'administrateur général qui arrête les comptes de l'exercice. Il doit signaler, à la plus prochaine assemblée générale, les irrégularités et les inexactitudes relevées par lui au cours de l'accomplissement de sa mission. Et au delà,  il est tenu de révéler au ministère public les faits délictueux dont il a eu connaissance dans l'exercice de sa mission, sans que sa responsabilité puisse être engagée par cette révélation. (Nous en parlerons dans la partie, intitulée : la responsabilité pénale du commissaire aux comptes.
L'article 717 de l'Acte uniforme susmentionné oblige réserve des dispositions de l'article 716 du  Acte uniforme susmentionné, le commissaire aux comptes, ainsi que ses collaborateurs sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions.

A défaut de le faire, il encourt une sanction pénale. L’objectif de cet audit est d’obtenir l’assurance raisonnable que les comptes ne comportent pas d’anomalies significatives. Donc on peut dire que finalement sa mission consiste à :

1.                  certifier des comptes annuels et des comptes consolidés à la réalisation d’un audit ou vérification approfondie des systèmes d’information de l’entreprise et des comptes qui en sont issus ;
2.      assurer des vérifications spécifiques portant sur le respect de certaines dispositions légales et sur des informations diverses telles que les conventions réglementées, l’égalité entre actionnaires, le rapport de gestion, les documents adressés aux actionnaires ;
3.      présenter le rapport général par lequel il rend compte de sa mission à l’Assemblée Générale des actionnaires et qui est déposé au greffe du tribunal de commerce. Dès lors le commissaire aux comptes engage lors de ses missions sa responsabilité civile et pénale pour les fautes ou infractions commises à l’occasion de ses fonctions. Pour cela nous verrons dans une première partie la responsabilité civile du commissaire aux comptes et dans une seconde partie la responsabilité pénale du commissaire aux comptes.


B. Les droits reconnus au commissaire aux comptes

Le commissaire aux comptes n'a pas que d'obligation. Le législateur lui reconnaît des droits que nous examinons dans les lignes qui suivent.
Le premier droit reconnu au commissaire aux comptes, est qu'à toute époque de l'année, le commissaire aux comptes opère toutes vérifications et tous contrôles qu'il juge opportuns et peut se faire communiquer, sur place, toutes pièces qu'il estime utiles à l'exercice de sa mission et notamment tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux.
Pour l'accomplissement de ces contrôles et vérifications, le commissaire aux comptes peut, sous sa responsabilité, se faire assister ou représenter par tels experts ou collaborateurs de son choix, qu'il fait connaître nommément à la société. Ceux-ci ont les mêmes droits d'investigation que ceux des commissaires aux comptes. Il peut mener des investigations qui peuvent être faites tant auprès de la société que des sociétés mères ou filiales.
Mais, il est une possibilité autre, si plusieurs commissaires aux comptes sont en fonction, ils peuvent procéder séparément à leurs investigations, vérifications et contrôles mais ils établissent un rapport commun. En cas de désaccord entre les commissaires, il est demandé à ces deux commissaires de dresser le rapport qui indique les différentes opinions exprimées.

4 commentaires:

  1. je jette des fleurs sur le Professeur Don José Muanda pour cet article. Une fois de plus, il a démontré son souci de former, d'informer et de vulgariser à l'égard des jeunes cadres congolais, c'est dire nous, étudiants et professionnels du droit congolais à propos du Droit OHADA en RD Congo. ces efforts suscitent de plus en plus l'attention et l'intérêt des congolais concernés par les sciences juridiques sur l'apprentissage de ce droit communautaire OHADA. Un tel Monsieur, mérite d'être soutenu et remercié par tous les professeurs et étudiants pour sa volonté de vulgariser le Droit issu du Traité OHADA qui remplace inéluctablement notre droit des affaires.

    Gaston FROLLARD, Directeur d'entreprise et expert en droit des affaires. France.

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  2. Quel dévouement pour la propagation de ce nouveau droit ohada pour les congolais. Nous adressons à cet effet, nos sincères félicitations au très cher Professeur Don José Muanda que nous nous permettons de qualifier du Père de l'OHADA pour la pronvince du Nord Kivu.

    Alin MUSHEBEKWA KAMBERE, Magistrat.

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  3. C'est une chose de parler du droit ohada et une autre d'en divulguer le contenu par des moyens didactiques : support, articles, imprimés etc. Certes, le Professeur DJ Muanda ne cessera jamais de nous intéresser par ses publications, nous souhaiterons sa visite enfin de nous enseigner ce droit dans universités du Nord Kivu. Il s'agit d'une fierté que de se vouer à une cause la plus noble que de vulgariser un droit qui nous envahit mais que la plus part d'entre nous ignore encore. Bravo Cher Prof.

    M. Marcelin; étudiant en droit des affaires, université de Laval, Université Officielle de Bukavu.

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